Le corps du citoyen : violence et démocratie
L’inviolabilité du corps du citoyen est un principe fondamental de la démocratie athénienne. L’atteinte au corps du citoyen, et plus largement l’agression ou l’usage de la violence, définit un crime de lèse-démocratie. Héritières revendiquées du régime athénien, les démocraties européennes se sont également construites sur le principe que la violence devait être transcendée par la médiatisation politique et l’application de la loi, cette dernière confiée aux forces de l’ordre, elles-mêmes responsables devant la nation et encadrées par la justice.
Dans cet héritage, nous reconnaissons que le renoncement à la violence est la condition de la démocratie, et c’est bien ce recours à la violence qui est unanimement condamné par les représentants du régime actuel : le gouvernement bien sûr, qui depuis 2018 accuse les manifestants contre la loi Travail, les gilets jaunes, aujourd’hui les grévistes contre la réforme des retraites, d’une violence qui romprait avec le jeu démocratique. Ces manifestants sont qualifiés de « radicalisés », ce qui permet sans doute, grâce à la loi d’état d’urgence qui est désormais celle de notre droit commun, de les associer à la fois au terrorisme et aux émeutes des quartiers populaires.
Au-delà du gouvernement, l’ensemble de la classe politique, qui prétend elle à la représentation à travers un mandat local ou national, s’aligne derrière cette condamnation morale, y compris lorsqu’elle soutient la position des grévistes. La figure du franchissement de la ligne rouge est également unanime chez les intellectuels de plateau.
Un héros de notre actuelle démocratie s’il en fût, Robert Badinter, a alerté avec émotion sur la menace d’une violence qui rappelait les heures sombres de l’Europe. Les chaînes d’information ont relaté comment les grévistes dits radicalisés avaient effectué une « intrusion », une « agression » au siège de la CFDT, et ainsi franchi la ligne de la respectabilité et du dialogue démocratique. Le lendemain, la présence de