Société

Dispositifs anti-SDF ou l’architecture du mépris

Philosophe

Le réel « ça pique », aurait tout aussi bien pu dire Lacan. L’organisation de la cérémonie des Pics d’or, récompensant sarcastiquement les pires dispositifs anti-SDF, ce lundi 2 mars au théâtre de l’Atelier, ne doit pas nous faire oublier, sous couvert d’humour, l’abjection de telles pratiques : clamons que l’indésirabilité est bien pour nous du côté de cette architecture « repoussante », et non de ceux auxquels elle porte atteinte.

La deuxième cérémonie des « Pics d’Or » a lieu ce lundi 2 mars au théâtre de l’Atelier. Initiée l’année passée par la Fondation Abbé Pierre et dénommée d’après les désormais (trop) célèbres pics à pigeons installés sur certaines devantures pour déloger les personnes sans-abri, il s’agit de récompenser par la voie sarcastique les pires dispositifs anti-SDF.

La parole des sans-abri, le travail remarquable des associations, les remontées de terrain émanant de citoyens-habitants aux quatre coins de la France (notamment par l’entremise de cartes collaboratives et de l’utilisation du hashtag « soyonshumains » sur les réseaux sociaux), l’engagement de personnalités comme Blanche Gardin ou Guillaume Meurice constituent, entre autres, autant d’éléments ayant permis de révéler au grand public le phénomène de l’architecture hostile, de faire entrer dans le champ de la visibilité sociale la volonté d’invisibilisation des plus vulnérables sous l’effet d’un certain type de production de l’espace de nos villes.

À l’approche des élections municipales, l’éradication des dispositifs anti-SDF constitue un objectif militant pouvant être concrètement porté par les habitants au nom d’une certaine idée du droit à la ville. Dans nos communes, dans nos villages, dans nos quartiers, dans nos villes, sur nos places et sur nos lieux de vie, nous pouvons exiger de ceux qui entendent nous diriger qu’ils suppriment ce type de stratégies urbaines et qu’ils en interdisent tout nouveau recours.

Car au-delà du pittoresque de certaines installations et de l’imagination débordante de leurs producteurs (je peux en attester comme membre du jury…), dont on peut légitimement se demander comment ils peuvent tout simplement se regarder dans la glace, le risque que nous encourons serait bien celui de nous habituer à une telle situation (en faisant par exemple de la cérémonie des Pics d’Or une sorte de rituel dont on attendrait le retour annuel avec curiosité) et de ne plus mesurer la violence intolérable con


Mickaël Labbé

Philosophe, Maître de conférences à l'Université de Strasbourg