Urbanisme

Politique de l’architecture
post-Covid : vers un « grand espace commun »

Architecte, urbaniste

Depuis le début de la crise sanitaire, certaines mesures prises pour lutter contre la propagation du Covid-19 ont, en parallèle, accéléré le verdissement des villes : création de pistes cyclables, trottoirs ou terrasses gagnées sur des places de stationnement. Voilà une bonne chose, mais il faut aller plus loin. En effet, c’est l’ensemble de l’espace public qui doit être repensé et réaménagé dans le cadre d’un projet architectural proprement démocratique : ce qu’il faut, en bref, c’est un grand espace commun.

Chaque situation critique – celle que nous traversons – est investie par les médias, la pensée contemporaine, politiques et écrivains, sociologues et urbanistes. Le futur se déclenche au sein d’eux, y compris au sein des architectes, qui à chaque événement s’inventent un nouvel enjeu comme légitimité retrouvée. Ce sera la santé au XIXe siècle, l’importance prise par l’hygiénisme et la question du logement dans la première architecture moderne.

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L’héliocentrisme a été un moteur de projet, visant à ce que la lumière du soleil pénètre dans chaque chambre. Il mènera à l’invention de l’îlot ouvert par Tony Garnier pour les habitations à bon marché (HBM) de la fondation Rothschild au tout début du XXe siècle. Dans les années 1960, « loger le plus grand nombre » sera à nouveau un mot d’ordre, résurgence des croyances du début du siècle, une illusion de la puissance passée. L’informatique ou le chaos urbain pour les années 1980 prendront la suite ; plus récemment, le tsunami japonais engendrera de nombreux projets d’architectes, et désormais le réchauffement planétaire. Enfin le Covid.

L’architecture tente de renaître après chaque désastre. Depuis la révolution industrielle, l’architecture s’empare ainsi de nouveaux récits par lesquels elle imagine, et réussit parfois, à se rendre présente et éventuellement utile ou inutile. Pourtant, depuis l’invention du BCG, qui a entraîné la disparition des sanatoriums, le lien entre architecture et santé s’est rompu, le médicament a remplacé l’architecture, une architekturpille selon la formule indépassable d’Hans Hollein.

On comprend alors que l’injonction à s’emparer du Covid semble actuellement sans réponse crédible : la question de la densité urbaine ne résiste pas à l’analyse (la pauvreté est le déterminant premier de la contamination), et les balcons, trottoirs élargis ou espaces extérieurs ne constituent pas une nouveauté, si ce n’est pour les promoteurs… On peut ainsi se demander s’il y a lieu pour les architectes de


Alain Guiheux

Architecte, urbaniste, Directeur de recherches au Cerilac (Université Paris VII), chercheur associé au LIAT, Professeur titulaire à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture Paris-Val de Seine