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Après la contre-révolution
de janvier aux États-Unis, le grondement de la bataille qui vient

Juriste et philosophe

L’assaut lancé hier sur le Capitole par les partisans de Donald Trump doit se lire comme une contre-révolution qui vient de loin. Elle révèle un pays fracturé par une guerre qu’oppose deux vérités politiques inconciliables. Elle souligne qu’il est plus que temps d’en finir avec le nationalisme blanc.

Le président des États-Unis en exercice, clairement battu aux élections de 2020 et privé d’un second mandat, a organisé une contre-révolution le 6 janvier 2021, le jour où le Congrès devait confirmer les résultats du Collège électoral. Ce fut un moment sans précédent. Une foule a pris d’assaut le Capitole, s’est emparé de la Chambre des représentants et du Sénat, a saccagé le bureau du Speaker. Provoquée par le Président, l’insurrection a été rendue possible par les dirigeants du Parti républicain qui, pendant des mois, ont refusé de reconnaître les résultats des élections.

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La contre-révolution s’est préparée de longue date. Son éruption met à jour une profonde fissure aux États-Unis.

Le peuple américain est en guerre autour de la vérité. Les Américains ont rarement été aussi profondément en désaccord, pas depuis la Reconstruction. Le parallèle n’est pas anodin. À l’époque, le désaccord portait sur la vérité morale de la suprématie blanche. Aujourd’hui, elle est plus oblique et déguisée, mais les relations raciales demeurent au cœur du désaccord. Il ne faut pas s’étonner que 1876 soit la dernière fois qu’une transition présidentielle ait été aussi contestée – une époque où la « démocratie abolitionniste », comme l’a appelée W.E.B. Du Bois, a tenu le coup avant de finalement périr, au même titre que la Reconstruction.

Comme en 1876, le conflit politique est aujourd’hui dominé par la question raciale. Au cours des quatre dernières années, pendant la campagne de 2020, et dans la foulée, Donald Trump a capturé l’âme du Parti républicain et l’a imprégnée de son nationalisme blanc. Il suffit de regarder les efforts républicains, toujours en cours, pour priver les Africains-Américains de leur droit de vote en Géorgie et dans des villes comme Detroit, Milwaukee et Philadelphie, pour voir à quel point cette dimension raciale est flagrante. Mais cela fait des années que cette situation se développe.

Dès le premier jour de sa présidence, Trump s’est prévalu du natio


[1] On se demandera peut-être comment tout cela s’accorde avec le fait que le vote Trump parmi les Noirs et les Latinos aurait augmenté. Eh bien, tout d’abord, ces chiffres ne sont pas certains. Ils s’appuient sur des sondages de sortie des urnes qui ne sont pas plus fiables que les sondages préélectoraux, devenus notoirement peu fiables. Deuxièmement, même si c’est vrai, ils placent Trump au même niveau que la part des votes minoritaires de George W. Bush et John McCain – rien de spectaculaire. Et même si, en troisième lieu, Trump s’appuie sur un patriarcat macho – un gagnant compétitif et agressif – qui marche bien, parfois sans distinction de race ou d’ethnicité.

[2] Dan Kahan, professeur de droit à l’Université de Yale, travaille sur cette question dans le cadre du Cultural Cognition Project.

Bernard E. Harcourt

Juriste et philosophe, professeur de droit et de sciences politiques à l'université de Columbia, directeur d'études à l'EHESS

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Notes

[1] On se demandera peut-être comment tout cela s’accorde avec le fait que le vote Trump parmi les Noirs et les Latinos aurait augmenté. Eh bien, tout d’abord, ces chiffres ne sont pas certains. Ils s’appuient sur des sondages de sortie des urnes qui ne sont pas plus fiables que les sondages préélectoraux, devenus notoirement peu fiables. Deuxièmement, même si c’est vrai, ils placent Trump au même niveau que la part des votes minoritaires de George W. Bush et John McCain – rien de spectaculaire. Et même si, en troisième lieu, Trump s’appuie sur un patriarcat macho – un gagnant compétitif et agressif – qui marche bien, parfois sans distinction de race ou d’ethnicité.

[2] Dan Kahan, professeur de droit à l’Université de Yale, travaille sur cette question dans le cadre du Cultural Cognition Project.