Société

Pour un usage social des biens confisqués à la criminalité organisée

Sociologue

Inspirée de l’exemple italien, la loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité votée le 8 avril dernier vise, entre autres, à confier à des organismes d’utilité publique des biens immobiliers saisis ou confisqués. Le dispositif d’usage social de ces biens pourra alors servir à lutter contre la criminalité organisée et réactiver des dynamiques vertueuses, solidaires comme économiques, auprès de la société civile et à l’échelle du territoire. S’il faut saluer les récentes avancées législatives françaises, il faut espérer qu’elles iront plus loin encore.

Dans le cadre de la loi du 8 avril dernier visant à améliorer l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale, l’article 4 vise à autoriser l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) à mettre à la disposition de certaines associations, fondations d’utilité publique ou organismes qui concourent à la politique du logement, des biens immobiliers saisis ou confisqués dans le cadre d’une procédure pénale.

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Déjà approuvée par le Sénat en 2019 à l’occasion de l’examen d’une précédente proposition de loi [1], cette mesure fait suite à une série de tentatives visant à inscrire dans le droit français des dispositifs, calqués sur le modèle italien, d’usage social des biens confisqués à la criminalité organisée. Pour saisir la portée et les limites de cette actualité législative, il faut revenir sur le cas italien, précurseur en la matière.

Les réseaux criminels sont devenus une puissance économique indissociable du capitalisme. Ils disposent, en effet, des capitaux et des liquidités indispensables à sa viabilité. Très prospères sur les marchés de la drogue, de la prostitution, de la vente d’armes et des contrefaçons, ils s’étendent également à la finance internationale par le biais du blanchiment d’argent et du recyclage de capitaux, ainsi que par la corruption des marchés publics.

Plus généralement, tous les secteurs présentant un fort potentiel de gains peuvent être investis par la criminalité, par le biais de « zones grises » de complicité et de connivence. Il s’agit d’espaces à la frontière entre légalité et illégalité, dans lesquels criminels, responsables politiques, entrepreneurs et fonctionnaires nouent des alliances et échangent des faveurs : les réseaux criminels offrent protection, intermédiation et capitaux aux acteurs économiques et professionnels ; en échange, ceux-ci offrent des compétences dont la criminalité est dépourvue.

Par ce biais, des capitaux illicites sont investis dans les marchés et la cri


[1] Il s’agit ici de la loi « visant l’amélioration de la trésorerie des associations », dont l’article 4 prévoyait l’usage social des biens confisqués. Cette proposition de loi, déposée par la députée Sarah El Haïry le 17 octobre 2018, n’a jamais été réinscrite à l’ordre du jour des travaux du Parlement.

[2] DeMains Libres, « Francia. Il banditismo all’ombra della République del ventunesimo secolo. Dalla criminalità organizzata delle cités agli scambi occulti », in Free Your Ideas Report, Libera, 2019.

[3] ANBSC, Relazione sull’attività svolta, Biennio 2017-2018, Roma, 2018.

[4] Notamment par le décret 159/2011, dit « code antimafia » (Codice antimafia, D. Lgs n.159/2011, Codice delle leggi antimafia e delle misure di prevenzione, nonché nuove disposizioni in materia di documentazione antimafia, a norma degli articoli 1 e 2 della legge 13 agosto 2010, n. 136), intégré et modifié dans la loi 161/2017.

[5] Un exemple en Albanie : depuis 2018, la pâtisserie KeBuono, le café social Kinfolk Coffee Library et le Social Crafting Garage sont des exemples d’initiatives de production et commerciales qui ont été confisquées puis attribuées à des associations pour des activités récréatives (café, librairie) et d’insertion par l’activité économique de jeunes au chômage ou victimes de violence.

Elisabetta Bucolo

Sociologue, Maîtresse de conférences au CNAM et à Sciences Po Paris, membre du Lise/CNRS

Notes

[1] Il s’agit ici de la loi « visant l’amélioration de la trésorerie des associations », dont l’article 4 prévoyait l’usage social des biens confisqués. Cette proposition de loi, déposée par la députée Sarah El Haïry le 17 octobre 2018, n’a jamais été réinscrite à l’ordre du jour des travaux du Parlement.

[2] DeMains Libres, « Francia. Il banditismo all’ombra della République del ventunesimo secolo. Dalla criminalità organizzata delle cités agli scambi occulti », in Free Your Ideas Report, Libera, 2019.

[3] ANBSC, Relazione sull’attività svolta, Biennio 2017-2018, Roma, 2018.

[4] Notamment par le décret 159/2011, dit « code antimafia » (Codice antimafia, D. Lgs n.159/2011, Codice delle leggi antimafia e delle misure di prevenzione, nonché nuove disposizioni in materia di documentazione antimafia, a norma degli articoli 1 e 2 della legge 13 agosto 2010, n. 136), intégré et modifié dans la loi 161/2017.

[5] Un exemple en Albanie : depuis 2018, la pâtisserie KeBuono, le café social Kinfolk Coffee Library et le Social Crafting Garage sont des exemples d’initiatives de production et commerciales qui ont été confisquées puis attribuées à des associations pour des activités récréatives (café, librairie) et d’insertion par l’activité économique de jeunes au chômage ou victimes de violence.