La démocratie brésilienne en ruines
En juin 2013, un million de personnes ont occupé la plus grande avenue de Rio de Janeiro, dans une atmosphère de fête et de révolte, brandissant de petites pancartes individuelles humoristiques, pleines d’indignation et d’ironie, poussant leurs cris de guerre et d’amour.
Les dirigeants de la principale organisation nationale des étudiants, marquée à gauche, marchaient, anonymes et étonnés, au milieu de la foule, se demandant qui avait appelé à la mobilisation, qui était responsable, qui avait cet immense pouvoir. Qui, puisqu’il n’y avait ni voiture sonore, ni drapeaux, ni slogans ? Qui, puisqu’il n’y avait pas de partis ni de syndicats ?

Ils ne pouvaient croire que cette marée humaine pouvait se mobiliser sans leader, répondant à l’appel spontané des réseaux sociaux. La même chose se produisait, par contagion, dans presque tout le pays. Ils étaient perdus, comme les autres leaders de gauche et de droite, comme le gouvernement de Dilma Roussef, dont beaucoup de membres étaient convaincus qu’il ne pouvait s’agir que d’une énième tentative de déstabilisation de la CIA, de la NSA, « des forces impérialistes, associées aux forces réactionnaires de la bourgeoisie brésilienne ».
Les gouvernements des États du Brésil ont lancé leur police dans une impossible et sanglante répression qui n’a fait que jeter de l’huile sur le feu. Les manifestations se sont multipliées. Il suffisait d’être dans la rue pour se rendre compte que les programmes et les revendications étaient pluriels et contradictoires, et qu’à côté de groupes supposément de droite, beaucoup d’autres s’identifiaient à des programmes et des valeurs de gauche.
La seule définition fidèle à la réalité était : Babel. De toute évidence la CIA était présente, mais quand ne l’était-elle pas ? Elle était de toute façon incapable d’organiser une telle mobilisation. Le désir de changement à gauche était également là, animant surtout les jeunes. Tous les courants d’opinion sont descendus dans la rue. Et lorsque toute