International

Talibans au pouvoir : l’impuissance de la puissance occidentale

Économiste

La reprise de l’Afghanistan par les Talibans est un symbole de la victoire d’un esprit de guerre spirituel qui le rend invincible contre une puissance technologique et militaire. Mais elle est aussi l’un des reflets d’une guerre entre un Occident qui impose un modèle économique et politique à des pays « du Sud », les réduisant à être de simples exécutants plutôt que les véritables concepteurs d’une démocratie qui soit le produit, sur le long terme, d’une histoire et de cultures particulières.

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Dans un Occident moderne où la puissance se mesure au nombre de points de PIB, de multinationales, de têtes nucléaires, de porte-avions, d’armes sophistiqués et de capacités technologiques d’observation et de frappe à distance, la nature des Talibans à plier sans rompre déroute plus d’un.

Pourquoi, en dehors de la décision des Américains de retirer leurs troupes, cette entrée triomphale des Talibans à Kaboul après 20 ans de guerre et de présence de l’armée américaine ? Pourquoi, du 27 décembre 1979 au 15 février 1989, l’armée de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) n’a pu vaincre les Moudjahidines après neuf ans d’une guerre dévastatrice ? Pourquoi des tonnes de bombes s’avèrent incapables de vaincre les Talibans en Afghanistan ? Plusieurs facteurs permettent d’expliquer l’avantage comparatif qu’ont les Talibans sur les Occident en matière de guerre de civilisation.

Homo Economicus contre Homo religiosus : la force des armes face à l’esprit de la guerre

La guerre que les Occidentaux mènent en Afghanistan depuis des décennies ne se fait pas seulement à armes inégales mais aussi à esprits de guerre inégaux. Concernant la puissance militaire, il est fondamental de souligner que les pratiques guerrières non-conventionnelles sont aujourd’hui une véritable force dans les guerres asymétriques que mène l’Occident en régions extra-occidentales.

Les armes conventionnelles ne peuvent déployer à plein régime leur puissance de destruction massive et s’avérer décisives dans l’issue d’une guerre que lorsqu’elles ont en face d’elles des cibles compatibles avec leurs performances technologiques. Dans le cas contraire, Bertrand Badie parle d’impuissance de la puissance [1] dans de nombreuses zones de conflits où les éléments traditionnels de puissances géopolitiques s’avèrent soit inadaptés, soit inutiles, soit même des handicaps.

Il ne suffit pas d’être les plus avancés sur le plan de l’armement technologique pour sortir victorieux d’une zone de conflit.


[1] Bertrand Badie, L’Impuissance de la puissance, 1e éd. 2004, CNRS Éditions, 2013.

[2] Joseph Schumpeter, Impérialisme et classes sociales (1918), Éditions de Minuit, 1972.

[3] Hans Magnus Enzenberger, Le Perdant radical. Essai sur les hommes de la terreur (Schreckens männer, 2006), traduit de l’allemand par Daniel Mirsky, Gallimard, 2006.

[4] Samuel Huntington, Le Choc des civilisations (The Clash of Civilization and the Remaking of World Order, 1996), Odile Jacob, 2021.

[5] Francis Fukuyama, La Fin de l’histoire et le dernier homme (The End of History and the Last Man, 1992), traduit de l’anglais par Denis-Armand Canal, Flammarion, 2018.

[6] Fernand Braudel, La Méditerranée à l’époque de Philippe II, t.I, La Part du Milieu, 1e éd. 1949, Armand Colin, 2017.

[7] « 18 des 20 pays les plus pauvres se trouvent en Afrique subsaharienne. Quelque 40 % de la population de la région vivaient encore avec moins de 1,90 dollar par jour en 2018. », Rapport 2020 sur la pauvreté et la prospérité partagée, Groupe de la Banque mondiale (PDF).

[8] Thierry Amougou, L’Esprit du capitalisme ultime. Démocratie, marché et développement en mode kit, Presses universitaires de Louvain (PUL), 2018.

[9] Ibid.

Thierry Amougou

Économiste, Professeur d'économie du développement à l'Université Catholique de Louvain (UCL)

Mots-clés

Mondialisation

Notes

[1] Bertrand Badie, L’Impuissance de la puissance, 1e éd. 2004, CNRS Éditions, 2013.

[2] Joseph Schumpeter, Impérialisme et classes sociales (1918), Éditions de Minuit, 1972.

[3] Hans Magnus Enzenberger, Le Perdant radical. Essai sur les hommes de la terreur (Schreckens männer, 2006), traduit de l’allemand par Daniel Mirsky, Gallimard, 2006.

[4] Samuel Huntington, Le Choc des civilisations (The Clash of Civilization and the Remaking of World Order, 1996), Odile Jacob, 2021.

[5] Francis Fukuyama, La Fin de l’histoire et le dernier homme (The End of History and the Last Man, 1992), traduit de l’anglais par Denis-Armand Canal, Flammarion, 2018.

[6] Fernand Braudel, La Méditerranée à l’époque de Philippe II, t.I, La Part du Milieu, 1e éd. 1949, Armand Colin, 2017.

[7] « 18 des 20 pays les plus pauvres se trouvent en Afrique subsaharienne. Quelque 40 % de la population de la région vivaient encore avec moins de 1,90 dollar par jour en 2018. », Rapport 2020 sur la pauvreté et la prospérité partagée, Groupe de la Banque mondiale (PDF).

[8] Thierry Amougou, L’Esprit du capitalisme ultime. Démocratie, marché et développement en mode kit, Presses universitaires de Louvain (PUL), 2018.

[9] Ibid.