Comment raisonne Daech ?
Quand un crime est aussi effroyable que les attentats du 13 novembre 2015, le procès qui l’instruit ne doit pas seulement aider les victimes en leur apportant la justice, mais d’abord et avant tout en leur offrant une possibilité de compréhension. C’est apparemment ce qui s’est produit au sixième jour d’audience du procès, quand Salah Abdeslam a déclaré : « On a combattu la France. On a visé des civils, mais on n’a rien de personnel à leur égard. On a visé la France, et rien d’autre. Parce que les avions français qui bombardent l’État islamique ne font pas la distinction entre l’homme, la femme et les enfants, ils détruisent tout sur leur passage, on a voulu que la France subisse la même douleur que nous subissons. »
Ou encore : « J’ai entendu François Hollande dire que nous combattons la France pour vos valeurs et pour vous diviser. C’est un mensonge manifeste. Quand François Hollande a pris la décision d’attaquer l’État islamique, il savait très bien que sa décision comportait des risques. En 2003, Chirac a refusé de donner son soutien aux Américains, sous prétexte, écoutez bien, que sa participation entraînerait une haine antifrançaise et des attaques meurtrières. »

Ces affirmations – qui font des attentats des actes de représaille – doivent être prises avec distance pour trois raisons : elles sont des propos de prétoire, et peuvent relever d’une stratégie de défense ; elles interviennent des années après les faits, et peuvent être une rationalisation rétrospective ; dans l’organisation de l’État islamique, Abdeslam n’était qu’un exécutant, si bien que, n’ayant pas commandité l’attentat, il n’en connaissait pas nécessairement les véritables raisons.
Pour déterminer si ces déclarations d’Abdeslam sont dignes de confiance, il faut les croiser avec une autre source : le communiqué publié par l’État islamique suite aux attentats. Mais c’est là un texte difficile à manier, et qui suppose une interprétation. Dans ce qui suit, nous allons tenter une exégèse –