Société

Néolibéralisme, protection sociale et handicap

Philosophe

Les 6 et 12 octobre, la déconjugalisation de l’Allocation Adulte Handicapé sera de nouveau mise en discussion au Sénat. Une lueur d’espoir pour les associations qui plaident unanimement pour que les revenus par foyer ne soient plus pris en compte dans le versement de l’AAH, après un refus franc de la part du Gouvernement en juin dernier – refus qui s’inscrit dans une politique néolibérale d’écrasement des dispositifs de protection sociale.

En ce début octobre, le Sénat va discuter d’une loi visant à modifier le droit à l’Allocation Adulte Handicapé (AAH), qui fournit un revenu aux personnes gravement handicapées sans travail. Cette loi, si elle était adoptée, permettrait le versement de cette allocation aux personnes handicapées indépendamment des revenus de leurs éventuels conjoints. Elle éviterait ainsi à de nombreuses personnes handicapées de dépendre des revenus de leurs conjoints sans pouvoir avoir de ressources propres. Elle éviterait également à certains couples de devoir vivre dans la clandestinité, de se disputer ou de se séparer à cause des trop grands revenus de l’un, ou de la perte des allocations de l’autre.

publicité

Pour tous ces motifs, cette loi fait l’objet d’un consensus. Elle est soutenue par la totalité des associations d’handicapés, par le Sénat, et par la quasi-totalité des partis politiques représentés à l’Assemblée Nationale. Elle est pourtant refusée par le gouvernement, qui s’y est opposé par tous les moyens à sa disposition lors du premier examen de la loi, en juin dernier.

Ce serait se tromper gravement que d’y voir un exemple malheureux d’économie budgétaire, tandis qu’il faudrait préparer les esprits et les corps à se serrer la ceinture à la suite de la pandémie. L’économie de bout de chandelle qui est ainsi faite et la rigidité politique extrême dont fait preuve le gouvernement à cette occasion disent en réalité beaucoup des projets actuels de transformation profonde de la protection sociale, projets qui, s’ils étaient réalisés, augmenteraient les périls et la précarité pour beaucoup de monde, et pas seulement pour les personnes handicapées.

Il faut pour cette raison revenir sur cette loi et son refus par le gouvernement, en replaçant ce refus dans l’ensemble de sa politique sociale, passée, présente et future. En matière de politique du handicap, il n’est pas question d’amour du prochain ni même de bienveillance envers quelques malheureux, mais de la mise au travail de


[1] Milton Friedman, A Theory of Consumption Function, (non traduit en français), 1e éd. 1957, Martino Fine Books, 2015.

Stéphane Zygart

Philosophe, Enseignant à l'Université de Lille et à Science Po Lille, membre du projet EVEREST et d'Alter

Notes

[1] Milton Friedman, A Theory of Consumption Function, (non traduit en français), 1e éd. 1957, Martino Fine Books, 2015.