Prendre au sérieux le « confusionnisme politique »

Notre socialisation politique tient pour acquis que les débats d’idées s’organisent selon des clivages idéologiques clairement identifiables : le socialisme, le conservatisme, le libéralisme, le fascisme, l’écologisme, le féminisme, etc. En réalité, le contenu de ces catégories s’est non seulement affadi, mais les repères et valeurs propres à chacune d’entre elles sont aujourd’hui indistincts.
Avec le politiste Philippe Corcuff, qui vient de consacrer une étude stimulante au phénomène du « confusionnisme » politique, on peut essayer de comprendre les raisons et les conséquences de cet affadissement. L’exercice est utile à l’heure des réseaux sociaux et de la déconfiture des partis politiques.
Corcuff estime que nous sommes entrés dans l’ère des « bricolages idéologiques confusionnistes » qui comprend des « intersections et des interactions avec la trame idéologique ultraconservatrice » (p. 14). L’ultra-droite serait parvenue à rendre hégémonique son interprétation de questions identitaires (la nation, la laïcité, la république) ou à saturer le champ des débats de guerres culturelles incessantes (sur les migrants, l’islam, l’homophobie, l’antisémitisme, le climatoscepticisme, l’opposition au vaccin contre le Covid-19 ou au pass sanitaire).
Une dynamique politique
Le confusionnisme n’est pas un état confus ou chaotique du débat public (même si nombre de débats politiques sont, de fait, cacophoniques). Contrairement à ce qu’affirment ses détracteurs, les études sur le confusionnisme ne mettent pas au pilori des acteurs politiques ou des chercheurs qui s’écarteraient d’un récit idéologique « politiquement correct ». La notion sert à décrire, non un état, mais un processus ou une dynamique de recoupements de récits issus de traditions politiques différentes, souvent antagoniques. Et c’est dans ce clair-obscur discursif que surgissent des monstres idéologiques.
Corcuff analyse ce processus de la manière suivante : « Le confusionnisme est le nom actuel d’une dé