Politique

La France n’est pas un hexagone

Historien

Étudier l’histoire de France suppose de dépasser le récit convenu, toujours enfermé dans les frontières métropolitaines et associé à l’idée de République. L’identité nationale, qui revient de manière cyclique voire obsessionnelle dans le débat public, ne va pas de soi : il est temps d’élargir notre vision du passé et de sortir d’une lecture simpliste de la mondialisation récente.

La question de l’identité nationale revient depuis plusieurs années en force dans le débat public, et notamment en cette année de campagne, à droite particulièrement mais aussi à gauche. Ces discours reprennent un même récit historique, diversement mobilisé selon le locuteur, composé d’une série d’éléments convenus : dates symboliques (1789), grands hommes (Napoléon, Jaurès), caractéristiques implicites (La France, terre de la République, pays de l’exceptionnalisme culturel).

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Ce récit, surtout, est toujours enfermé dans les frontières métropolitaines, associé à l’idée de République. Il est présenté comme une ressource ou un rempart contre les menaces d’une mondialisation venue de l’extérieur. Une autre version a existé, qui voyait dans cette histoire l’explication d’une arriération supposée du pays, un pays « jacobin », « réfractaire », qu’il fallait « moderniser » en l’adaptant à la supposée nécessaire globalisation des échanges. Face à la catastrophe climatique et à l’accroissement des inégalités, pour ne rien dire de l’actuelle pandémie, ce discours a perdu en crédibilité. La version la plus idéalisée et nostalgique tend, semble-t-il, à l’emporter.

Or il est frappant de constater que ce récit est moins évident qu’il n’y paraît. Sa résurgence récente a elle-même une histoire. S’il puise ses racines dans le moment de refondation du savoir historique de la troisième République, au début du XXe siècle, ce récit a repris une vigueur inattendue au cours des années 1980.

Le débat sur le bicentenaire de la Révolution française de 1789 en est une illustration : en simplifiant les termes, l’analyse d’inspiration marxiste, attentive à la transition du féodalisme au capitalisme, d’horizon international donc, a alors cédé le pas aux questions nationales et républicaines.

Dans le débat public, cette focalisation sur l’histoire nationale et républicaine apparaît alors, et aujourd’hui encore, comme un de ces « grands récits » qui répond implicitement au développement d


Quentin Deluermoz

Historien, Professeur des Universités en histoire contemporaine à l'Université de Paris

Mots-clés

Mondialisation