Politique

Mélenchon et l’appel du pied aux « fâchés pas fachos »

Sociologue

Théorisée par Jean-Luc Mélenchon, la reconquête des « fâchés pas fachos » est devenue un marqueur idéologique de la France insoumise. Soucieux depuis des années de reconquérir les voix populaires, jusqu’à aller directement affronter Marine Le Pen à Hénin-Beaumont aux législatives de 2012 ou très récemment Éric Zemmour sur un plateau de BFM, le leader de la France insoumise cherche à arracher à l’extrême droite les perdants de la mondialisation. Retour sur les étapes et les aléas de cette stratégie antifasciste.

Vendredi 17 septembre, dans les colonnes de Libération, Jean-Luc Mélenchon alertait sur l’importance de ne pas « se laisser enfermer dans des débats puants avec Zemmour et compagnie ». Six jours plus tard, il débattait durant deux heures avec Éric Zemmour sur une chaîne d’info en continu. Comme convenu en amont, la première moitié de l’entretien porta sur les thèmes choisis par le polémiste vedette du Figaro (l’immigration, l’immigration et l’immigration) tandis que la suite fut consacrée, sur demande du leader insoumis, au social et à l’écologie. Fallait-il y aller ? Mélenchon a-t-il fait le jeu de Zemmour ? Est-il tombé dans un piège ? A-t-il légitimé les délires misogynes et la haine raciste de son interlocuteur ? Est-il seulement possible d’avoir un « débat », c’est-à-dire un échange d’arguments rationnels, avec un individu qui ment comme il respire et qui a fait de la provocation sa vocation ? Pourquoi aller sur une chaine qui a activement contribué à la droitisation du paysage médiatique et du débat public ?

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Quand de telles questions sont soulevées par des thuriféraires de Jupiter qui ne trouvèrent rien à redire au fait que ce dernier a appelé Éric Zemmour sur sa ligne directe pour le réconforter en personne après une agression, rien non plus quand leur Président fit l’éloge du « grand soldat » Pétain, rien, enfin, quand Emmanuel Macron vilipenda le « séparatisme » en paraphrasant Charles Maurras, on peut s’interroger sur les motivations réelles de ces personnes. Dans la même veine, lorsque ceux qui reprochent à Jean-Luc Mélenchon de débattre avec Éric Zemmour paradaient à ses côtés le 19 mai dernier, lors d’une manifestation de syndicats policiers extrême-droitisés, il est permis de s’interroger sur leur cohérence.

Derrière cette polémique, qui véhicule son lot d’inconséquences et de mesquineries, se pose l’épineuse question de la stratégie à mener afin d’endiguer la menace fasciste. Sauf à penser que certains détiennent la solution définitive à ce


[1] Entretien dans Les Inrockuptibles, 14 mai 2012.

[2] Mélenchon, Le choix de l’insoumission, Paris, Seuil, 2016, p. 319.

[3] Entretien dans Libération, le 14 mai 2012.

[4] Entretien sur RTL, le 16 décembre 2018.

[5] Meeting à Metz, 18 janvier 2012.

[6] Entretien sur France Inter, 9 février 2012.

[7] Entretien dans le Journal du Dimanche, 19 août 2012.

[8] « Une étape vers la tempête », note de blog, 24 mai 2019.

[9] Adrien Quatennens, Tribune dans Libération, 22 mai 2019.

[10] François Ruffin, « Déjouer la résignation, retour sur une victoire électorale », Le Monde diplomatique, juin 2018, pp. 22-23.

[11] Cf. à cet égard le débat entre Danièle Obono et Olivier Besancenot, « Penser l’immigration », Ballast, 18 novembre 2018.

[12] Alexis Corbière, entretien dans Valeurs actuelles, 3 janvier 2019.

[13] Ibid.

[14] Enquête Odoxa pour le Figaro, 21 septembre 2017.

[15] Sondage Ipsos pour Le Monde, 14 avril 2017.

[16] Manuel Cervera-Marzal, Le populisme de gauche. Sociologie de la France insoumise, Paris, La Découverte, 2021.

[17] Données IFOP pour Paris Match, 27 mai 2019.

[18] Données IFOP-Fiducial, « Le profil des électeurs et les clés du premier tour de l’élection présidentielle », 23 avril 2017.

[19] Nonna Mayer, « Le mythe de la dédiabolisation du FN », La vie des idées, 4 décembre 2015.

[20] Sylvain Crépon, Alexandre Dézé, Nonna Mayer (dir.), Les faux-semblants du Front national. Sociologie d’un parti politique, Paris, Presses de Sciences Po, 2015.

[21] Rapport annuel 2018 sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, effectué pour la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

[22] Hugo Melchior et Bryan Muller, « Siphonner les voix des fâchés pas fachos : le pari perdu de Mélenchon », The Conversation, 30 juillet 2019.

[23] Jean-Luc Mélenchon, « La créolisation n’est pas un projet ou un programme, c’est un fait », L’Obs, 25 septembre 2020.

[24] Enquête électorale du CEVIPOF réalisée le 1er mai 2017.

Manuel Cervera-Marzal

Sociologue, Chargé de recherche au FNRS

Mots-clés

Populisme

Notes

[1] Entretien dans Les Inrockuptibles, 14 mai 2012.

[2] Mélenchon, Le choix de l’insoumission, Paris, Seuil, 2016, p. 319.

[3] Entretien dans Libération, le 14 mai 2012.

[4] Entretien sur RTL, le 16 décembre 2018.

[5] Meeting à Metz, 18 janvier 2012.

[6] Entretien sur France Inter, 9 février 2012.

[7] Entretien dans le Journal du Dimanche, 19 août 2012.

[8] « Une étape vers la tempête », note de blog, 24 mai 2019.

[9] Adrien Quatennens, Tribune dans Libération, 22 mai 2019.

[10] François Ruffin, « Déjouer la résignation, retour sur une victoire électorale », Le Monde diplomatique, juin 2018, pp. 22-23.

[11] Cf. à cet égard le débat entre Danièle Obono et Olivier Besancenot, « Penser l’immigration », Ballast, 18 novembre 2018.

[12] Alexis Corbière, entretien dans Valeurs actuelles, 3 janvier 2019.

[13] Ibid.

[14] Enquête Odoxa pour le Figaro, 21 septembre 2017.

[15] Sondage Ipsos pour Le Monde, 14 avril 2017.

[16] Manuel Cervera-Marzal, Le populisme de gauche. Sociologie de la France insoumise, Paris, La Découverte, 2021.

[17] Données IFOP pour Paris Match, 27 mai 2019.

[18] Données IFOP-Fiducial, « Le profil des électeurs et les clés du premier tour de l’élection présidentielle », 23 avril 2017.

[19] Nonna Mayer, « Le mythe de la dédiabolisation du FN », La vie des idées, 4 décembre 2015.

[20] Sylvain Crépon, Alexandre Dézé, Nonna Mayer (dir.), Les faux-semblants du Front national. Sociologie d’un parti politique, Paris, Presses de Sciences Po, 2015.

[21] Rapport annuel 2018 sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, effectué pour la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

[22] Hugo Melchior et Bryan Muller, « Siphonner les voix des fâchés pas fachos : le pari perdu de Mélenchon », The Conversation, 30 juillet 2019.

[23] Jean-Luc Mélenchon, « La créolisation n’est pas un projet ou un programme, c’est un fait », L’Obs, 25 septembre 2020.

[24] Enquête électorale du CEVIPOF réalisée le 1er mai 2017.