Zemmour comme nudge
De la même manière que les divisions de la gauche éparpillent les voix et annulent ses chances de victoire aux élections présidentielles, une candidature de Zemmour aspirerait les voix dont Marine Le Pen a besoin pour passer au second tour. Cela nous libérerait de la contrainte du vote utile, et nous autoriserait à enfin voter selon nos convictions. Bref : la possibilité de la candidature d’Éric Zemmour à l’élection présidentielle de 2022 est souvent accueillie par les partisans du front républicain comme une bonne nouvelle.
Ce calcul électoral est à courte-vue. Le concept de nudge, développé par l’économie comportementale, permet de démontrer pourquoi.
Une même personne choisit ou non une option selon le contexte de choix, et les options alternatives font évidemment partie de ce contexte. Ainsi, certaines options ne sont pas offertes pour être retenues, mais pour inciter à en choisir une autre. Par exemple, les journaux et les magazines proposent souvent des abonnements qui paraissent, du point de vue de leurs intérêts économiques, aberrants.

Imaginons l’offre suivante : « Numérique : 60 euros. Papier : 80 euros. Papier + Numérique : 100 euros ». Cette structuration des options vise à faire parcourir aux consommateur un trajet mental, que l’on peut en gros se représenter ainsi : « 60 euros pour une version numérique, c’est quand même cher, surtout quand je pourrais avoir la version papier pour 20 euros de plus. Mais quitte à mettre 20 euros de plus, autant avoir la version papier et numérique. Cela me fait gagner 40 euros ». On en vient alors à accepter une offre qui aurait dissuadé si elle n’avait pas été proposée avec les deux autres[1].
Le mécanisme qui fait d’Éric Zemmour un nudge de Marine Le Pen est simple[2]. Il repose sur deux faits : (1) une partie des personnes qui voteront pour Zemmour au premier tour n’auraient jamais voté pour Le Pen ; (2) une grande partie des personnes qui auront voté pour Zemmour au premier tour voteront pour Le Pen (si