Santé

Recombiner la politique d’addictologie avec les savoirs expérientiels

Anthropologue, Médiateur de santé en addictologie

Si la lutte contre l’alcoolisme ou la toxicomanie a souvent fait appel aux savoirs expérientiels dans l’histoire, il importe de les valoriser systématiquement au cœur des politiques d’addictologie. En partant des savoirs des personnes et en redéployant avec elles des dispositifs de repérage, d’accompagnement, de « pair-aidance », le service public d’addictologie pourra devenir plus efficace.

Il est temps de recombiner les dispositifs d’intervention en addictologie autour de la nouvelle donne des savoirs expérientiels des personnes souffrant d’un trouble de l’addiction. Plus rien ne s’oppose légitimement et unilatéralement à leur parole, ni à la reconnaissance de la valeur de l’expérience acquise dans l’épreuve de la maladie ou de la gestion du trouble.

En effet, un enjeu de notre époque est celui de qui fait quoi, et comment, le tout en lien, face à l’addiction. Comment accompagner les personnes pour qu’elles adoptent des comportements favorables à la santé, qu’elles acceptent et suivent des soins, parfois de manière chronique, si elles y consentent ? Comment bénéficier de dispositifs de prévention et de soins de qualité, interfacés et personnalisés, respectant l’authenticité et la volonté des personnes accompagnées ou accueillies ? Répondre à ces questions nécessite un rapide détour par les morales et les savoirs à l’œuvre en addictologie, car c’est pour ainsi dire le canevas idéologique de nos conceptions des interventions à mener.

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Du côté moral, les dispositifs font naviguer les intervenants sociaux et sanitaires entre une rhétorique morale sécuritaire, associée à un cortège de condamnations stigmatisantes et de logiques de dé-normalisation des usages, et une rhétorique morale plutôt « libertarienne », valorisant socialement et économiquement ces mêmes usages. Le cadre juridique traduit ces tensions et ambivalences morales avec des coups de barre entre répression et main tendue selon les époques.

Cependant, une dynamique traverse la ligne de front. Que ce soit dans les techniques de soins, dans l’écoute et le care, dans les incitations de la prévention, il est question d’accompagner les poursuites d’usages – ou ses arrêts – selon un curseur de plus en plus personnalisé. S’est imposée la norme de l’autonomisation de la gestion de ses consommations et de ses conséquences, qui peut aller jusqu’à une forme d’auto-management de ses troubles dura


Erwan Autès-Tréand

Anthropologue, Membre de l’équipe « Dire la Santé Mentale » à l’Institut d’Histoire des Représentations et des Idées dans les Modernités

Philippe Vallet

Médiateur de santé en addictologie

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