La nature entre animisme et fiction ?
« Le resplendissant jardin des muses où s’épanouissent en tumulte et en foule à toutes les branches ces divines éclosions de l’esprit que les Grecs appelaient Tropes, partout l’image idée, partout la pensée fleur. »
Victor Hugo, William Shakespeare
La crise que le monde traverse fait perdre tout repère conceptuel. Cette crise, qui va de l’économie au social, à l’écologie, à la démocratie et au symbolique, atteint même la culture et la pratique scientifiques. L’irruption de la pandémie de Covid-19 n’a pas arrangé les choses, puisque beaucoup de doutes se sont exprimés et s’expriment encore au sujet de la science, coupable aux yeux de certains d’avancer des thèses trop incertaines, de proposer des vaccins trop peu éprouvés, et de toujours se soumettre aux pressions d’industries avides de profits.
L’affaire se corse avec le constat accablant de l’impuissance des COP annuelles de l’ONU à entraîner les principaux États vers une cessation des activités destructrices, polluantes et réchauffeuses du climat. L’omniprésence des lobbys à Glasgow qui a freiné des quatre fers n’y est pas pour rien. Au total, déroute politique devant les changements stratégiques à opérer et déroute intellectuelle devant la difficulté à séparer le vrai du faux, ou tout au moins le potentiellement vrai du radicalement faux.

Devant une telle impuissance des institutions politiques et une aussi grande capacité des forces capitalistes à imposer leur agenda business is usual, la proposition d’instituer la nature et ses éléments animaux, végétaux, minéraux, etc., en sujets de droits rencontre de plus en plus d’adeptes. Au nom de la protection de la nature, mais plus profondément encore, au nom de la fin de la séparation entre nature et culture, ou entre nature et humanité, voire au nom de l’anti-spécisme.
La contestation de cette séparation connaît un élan important depuis les travaux de l’anthropologue Philippe Descola[1]. Au-delà de la discussion qui traverse à ce propos l’anthropologi