Gauche : sous les pavés, la Nupes ?
L’historien Enzo Traverso estime que le passé de la gauche est une succession de défaites, et que la mélancolie est une composante essentielle de sa culture. Ce sentiment fut réprimé tant que la gauche voyait dans le socialisme un horizon inévitable. En recul dans le monde, son élan révolutionnaire contrarié, la gauche semblerait aujourd’hui accepter cet état mélancolique.
Traverso insiste sur le fait que cette mélancolie n’est pas de facture freudienne. Elle n’est pas synonyme de deuil pathologique d’un espoir en une société plus juste, mais exprime au contraire une forme de résistance nourrie par une sensibilité réflexive ; une ressource qui lui permet de reformuler ses vieux objectifs et sa stratégie dans le présent.

Ce préliminaire est utile pour expliquer ce qui vient de se dérouler au sein de la gauche française ces dernières semaines. Après une campagne présidentielle plutôt désastreuse, la gauche a conclu une alliance électorale en un temps record : 13 journées (et nuits) de négociation ont suffi pour que les dirigeants de parti, dont les rapports étaient jusqu’alors souvent tendus, se mettent d’accord sur la répartition des candidatures et sur un contenu programmatique. Ce développement politique remarquable peut être vu comme une tentative mélancolique de bâtir un succès électoral à partir des défaites passées.
L’accord ratifié porte le nom de Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). Regroupés autour de La France insoumise (LFI), les principaux partis de gauche ont rejoint cette union : le Parti socialiste (PS), le Parti communiste français (PCF), Europe Écologie Les Verts (EELV), ainsi que de petites formations (Génération.s, Génération écologie, Les Nouveaux Démocrates). Le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), l’unique formation anticapitaliste invitée à participer à la Nupes, a refusé de s’associer à une alliance comprenant le PS[1].
Pendant la campagne présidentielle, l’unité réclamée à grands cris est restée lettre morte. Une