Écologie

Zéro artificialisation nette : banc d’essai de la planification écologique

Géographe, Consultant, Géographe et urbaniste

Si la rhétorique en faveur d’une urbanisation plus contenue n’est pas neuve, fixer l’absence d’artificialisation des sols comme objectif constitue une rupture majeure pour l’aménagement du territoire. La sobriété foncière paraît buter au moins autant sur sa faisabilité urbanistique et les enjeux économiques qu’elle charrie que sur des questions institutionnelles, fiscales et politiques.

Depuis son inscription dans la loi Climat et résilience d’août 2021, l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) fait l’objet de débats passionnés dans le monde de l’aménagement du territoire, des collectivités territoriales et de l’immobilier. Sa finalité ? Amener les territoires de France, à partir de 2050, à des projets de développement qui n’utilisent pas plus de nouvelles terres que ce qu’ils sont capables d’en rendre à la nature ou à l’agriculture.

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Par ce biais, il s’agit de préserver des espaces pour l’agriculture – notamment si sa conversion vers des modes plus écologiques nécessite davantage de surfaces – mais aussi de préserver la biodiversité. En effet, l’extension des surfaces urbanisées et le morcellement des milieux naturels par les infrastructures sont responsables de la disparition de nombreuses espèces. Mais ce mécanisme du ZAN ne va-t-il pas bloquer la construction, entraîner une hausse des prix des logements et des locaux professionnels ou encore réduire drastiquement les capacités d’action des élus locaux[1] ? D’un autre côté, ne permet-il pas d’enclencher une réorientation de l’urbanisation en faveur d’un plus grand respect des espaces naturels et agricoles et d’une utilisation plus intense des sols déjà urbanisés ?

Ici il s’agit moins de débattre sur le bien-fondé de cette mesure que sur les conditions de mise en œuvre d’un tel objectif. En effet, réduire l’artificialisation des sols jusqu’à un niveau presque nul en 2050 n’appelle pas seulement à réécrire les documents d’urbanisme actuels ou à poursuivre la réflexion sur les nouvelles formes urbaines à venir mais aussi plus largement à repenser l’ensemble du système politique, culturel et financier de l’aménagement des territoires. Le « zéro artificialisation nette » nous permet ainsi d’entrevoir l’ampleur des mutations qu’appelle la planification écologique.

Continuité rhétorique, rupture pratique

Revenons sur l’objectif de « zéro artificialisation nette ». De quoi s’agit-il


[1] Tel est le point de vue notamment développé par Éric Charmes, « De quoi le ZAN (zéro artificialisation nette) est-il le nom ? », Fonciers en débat, 25 septembre 2021.

[2] Brian Padilla, Fanny Guillet et Salomée Gelot, « Objectif ZAN : comment tenir les comptes ? », The Conversation, 2 mai 2022.

[3] Julien Fosse, Objectif « zéro artificialisation nette » : quels leviers pour protéger les sols ? » France Stratégie, 2019.

[4] Xavier Desjardins, La planification urbaine. La ville en devenir, Malakoff, Armand Colin, 2020.

[5] Les associations d’élus locaux, notamment l’association des maires de France et l’association des maires ruraux de France, sont parmi les plus véhémentes. Voir par exemple l’article de David Picot, « Décrets ZAN : la colère gronde, la riposte s’organise », La Gazette des communes, 24 mai 2022. Les oppositions s’expriment principalement à travers les canaux « classiques » des relations entre associations d’élus locaux et services de l’État. Dans les réunions locales, l’adhésion à cet objectif est rare. Notons qu’il est difficile de démêler entre un jeu de posture pour « desserrer l’étau » tant qu’il reste un peu de grain à moudre (écriture des décrets, écriture de la règle par les conseils régionaux) et une opposition frontale et systématique à cet objectif.

[6] Daniel Béhar, Sacha Czertok, Xavier Desjardins, Faire région, faire France. Quand la région planifie, Boulogne-Billancourt, Berger-Levrault, 2021.

[7] Ces taxes basées sur le foncier sont la taxe d’habitation (en voie de disparition), les taxes sur les propriétés bâties et non-bâties, les cotisations foncières des entreprises, les droits de mutation à titre onéreux, les taxes d’aménagement et les taxes sur les locaux à usage de bureau.

[8] Sacha Czertok, Jules Peter-Jan, Martin Vanier, « Une France jamais autant peuplée : comment l’habiter ? », Telos, février 2022.

Daniel Béhar

Géographe, Professeur à l’École d’urbanisme de Paris

Sacha Czertok

Consultant, Chargé d'études au sein de la coopérative conseil Acadie

Xavier Desjardins

Géographe et urbaniste, Professeur en aménagement de l’espace et urbanisme à Sorbonne Université

Notes

[1] Tel est le point de vue notamment développé par Éric Charmes, « De quoi le ZAN (zéro artificialisation nette) est-il le nom ? », Fonciers en débat, 25 septembre 2021.

[2] Brian Padilla, Fanny Guillet et Salomée Gelot, « Objectif ZAN : comment tenir les comptes ? », The Conversation, 2 mai 2022.

[3] Julien Fosse, Objectif « zéro artificialisation nette » : quels leviers pour protéger les sols ? » France Stratégie, 2019.

[4] Xavier Desjardins, La planification urbaine. La ville en devenir, Malakoff, Armand Colin, 2020.

[5] Les associations d’élus locaux, notamment l’association des maires de France et l’association des maires ruraux de France, sont parmi les plus véhémentes. Voir par exemple l’article de David Picot, « Décrets ZAN : la colère gronde, la riposte s’organise », La Gazette des communes, 24 mai 2022. Les oppositions s’expriment principalement à travers les canaux « classiques » des relations entre associations d’élus locaux et services de l’État. Dans les réunions locales, l’adhésion à cet objectif est rare. Notons qu’il est difficile de démêler entre un jeu de posture pour « desserrer l’étau » tant qu’il reste un peu de grain à moudre (écriture des décrets, écriture de la règle par les conseils régionaux) et une opposition frontale et systématique à cet objectif.

[6] Daniel Béhar, Sacha Czertok, Xavier Desjardins, Faire région, faire France. Quand la région planifie, Boulogne-Billancourt, Berger-Levrault, 2021.

[7] Ces taxes basées sur le foncier sont la taxe d’habitation (en voie de disparition), les taxes sur les propriétés bâties et non-bâties, les cotisations foncières des entreprises, les droits de mutation à titre onéreux, les taxes d’aménagement et les taxes sur les locaux à usage de bureau.

[8] Sacha Czertok, Jules Peter-Jan, Martin Vanier, « Une France jamais autant peuplée : comment l’habiter ? », Telos, février 2022.