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La Russie humiliée ? Si seulement c’était vrai !

Ethnologue

L’obsession du président Macron, porte-parole des Occidentaux qui se veulent réalistes, est de ne pas humilier la Russie de Poutine avec lequel on sera de toute façon obligé de négocier. Tout en soutenant l’Ukraine et en lui livrant des armes après plus de quatre mois d’une guerre de plus en plus destructrice, c’est le pays agresseur, par un étrange retournement de situation et au mépris de l’évidence des faits et de toute logique, qui serait en droit de se poser en victime.

Admettons que cette obsession (ou que cette préoccupation, pour prendre un terme moins marqué) ne soit pas totalement injustifiée par souci de réalisme politique.

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Deux questions simples se posent d’emblée :

1°) Un chef d’État, Poutine, en l’occurrence, peut-il être humilié ? Évidemment oui, comme n’importe quel individu et il peut l’être d’autant plus qu’il est tout au sommet d’une hiérarchie à laquelle correspondent un code de bienséance lié au respect dû à sa fonction et aussi un code d’honneur. Mais précisément, comme il est un personnage éminemment représentatif, savoir qui est en mesure de l’atteindre, un égal (un autre chef d’État) ou un autre équivalent (une institution politique représentative, ou un collectif, voire un individu auréolé d’une légitimité morale très largement reconnue), la réponse n’est pas évidente.

2°) Une nation ou une collectivité quelle que soit sa nature, quelle que soit sa taille, peut-elle être humiliée ? On dira qu’une nation peut se sentir humiliée quand son chef l’est mais la réponse à la question spécifique touchant à la nation comme telle ne va pas de soi. La raison est d’ordre théorique : elle implique un recours nécessaire à une certaine psychologie sociale appliquée aux affects et, par exemple, à des notions comme celle de « mentalité collective » naguère utilisée par les sociologues et les historiens ou comme celle « d’esprit d’un peuple » forgée par des philosophes du XIXe siècle, le volksgeist des romantiques allemands, du jeune Hegel notamment et qui inspira aussi le nationalisme et le totalitarisme du XXe siècle.

Ces notions ne cessent de faire débat, sans parler de celle de culture aujourd’hui galvaudée. En effet, sans égard au sens précis que lui a donné l’anthropologie et à sa suite les sciences humaines, mais débordant l’usage traditionnel également précis qui a été le sien dans les institutions éducatives chargées de la dispenser, de l’école maternelle aux Universités, la culture est invoquée à tort et à tr


Alfred Adler

Ethnologue, Directeur d'études émérite à l'École Pratique des Hautes Études