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Pour un design au-delà des objets

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Quelle place pour l’objet et le produit dans un monde fini ? Plutôt que de tenter une énième fois de sauver le monde pour mieux le détruire, tentons de mettre en relation avant de produire. Un design écologique impliquerait de décorréler la création de la production. Il s’agirait donc de mettre en scène, d’accompagner, de contraindre et de conditionner le présent plutôt que de projeter des fictions à travers les objets que nous concevons.

Dire qu’il s’agit pour les designers d’améliorer « l’habitabilité sur Terre » (Alain Findelli) se heurte à au moins deux problèmes : jusqu’où s’étend notre habitat ? Et, qui intégrons-nous dans celui-ci ? Car à mesure qu’augmentent nos conforts, s’étend notre habitat bien plus loin que nos maisons, nos immeubles ou nos foyers, si bien que ceux-ci empiètent sur la qualité de l’habitat d’un.e autre, ou l’habitat de quelque chose d’autre. Il apparaît de plus en plus clair que les designers, les ingénieur.e.s et architectes ne concourent pas à l’amélioration consensuelle du grand habitat « Terre », mais qu’à chaque fois que nous tentons d’améliorer un lieu, nous en modifions au moins un autre.

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Pour tenter de progresser collectivement, il nous faut donc bien admettre que nous n’habitons plus seulement les endroits où nous nous trouvons. Nos gestes quotidiens sont depuis longtemps déterritorialisés, mais ce processus a été accéléré par nos consommations numériques et par la globalisation du marché qui a cours depuis plus d’un siècle. L’observer est sans doute l’occasion d’allier à une critique de l’écologie une critique de l’impérialisme de nos pratiques, à l’heure où une partie du design et de la création technique redoublent d’inventivité, pensant trouver des « solutions » face à la crise climatique et à la multiplication des catastrophes qu’elle induit. Tentons ici quelques pistes de réflexion pour penser et pratiquer le design plus loin que chez nous, plus loin que les objets.

Post localisme

Il y a une dissonance certaine à prôner des modes de vie locaux, ou leur équivalent politicien : « une souveraineté », lorsque l’on vit dans un pays aussi démuni de matières premières que le nôtre. Nous ne disposions que de rares nappes de pétrole, que nous nous sommes empressé d’épuiser. Il en a été de même pour le bois, pour l’uranium, le gaz, le cuivre…Nous ne possédons pas, si l’on entend par là avoir dans nos sols, la plupart des matières que nous employons quotidie


Pablo Bras

Designer, Commissaire du Pavillon français de la 23ème Triennale de Milan