Société

Nous sommes en care ?

Philosophe

Pour célébrer Pasteur, le musée de la ville de Dole, où il est né voilà tout juste deux cents ans, mobilise peintres, sculpteurs, plasticiens et vidéastes pour nous aider à imaginer plus pour mieux vouloir, revisitant pour nous et avec nous l’image stéréotypée de ce que signifie « prendre soin » ; et avec elles de notre solutionnisme facile. Face au virus, puisque nous ne sommes pas en guerre, comment pouvons-nous être en care ?

Et si le soin du monde qui vient passait aussi par les arts ? Et si, pour renouveler la compréhension de nos situations, de nos manières de faire société, on osait se laisser instruire ? Mais, pour une fois, non par la langue toute faite des communicants, ces « mots gelés », disait Rabelais, que sont « les éléments de langage » que préparent les conseillers politiques, mais par celle des « mots de gueule » des artistes ? Et si, alors que dans nos sociétés du risque, nous donnons à l’expertise savante, à l’anticipation des risques et à l‘intellectualisation procédurale la part belle, nous osions, en plus de la raison, mobiliser les puissances de l’imagination ?

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Et ce faisant, nous nous accordions le droit de rêver, non pour fuir les réalités difficiles du temps – car elles le sont et elles sont nombreuses – mais au contraire pour oser en habiter la complexité en vue de s’essayer à d’autres possibles ? En effet, d’où nous est venue cette sotte idée qu’imaginer serait folie ; que rêver serait manque de réalisme ; et qu’en raison du fait que de la poétique à l’éthique et à la politique la route ne serait pas droite, il faudrait en conclure que poétiser serait s’illusionner ?

Imaginer, rêver, explorer ne sont pas que des pathologies d’une imagination délirante. Celles qu’on dénigre chez les « doux rêveurs » ou qu’on vilipende chez les « utopistes brutaux ». Ils attestent de la force d’exploration des possibles. Ils inventent un pas de côté, un tiers espace et temps qu’on peut bien appeler « utopique », mais qui n’est pas déni. Il est ré-ouverture de nos intelligences à la polyphonie bruissante des situations du monde et de ce qu’y cherchent les humains.

Faisons, pour une fois, l’exercice de mobiliser la puissance fracturante, déconfigurante des images toutes faites. Osons nous laisser aller à l’exploration de l’imagination en prenant, pour guide, le rôle des arts plastiques. Une occasion nous en est fournie par l’exposition « Prendre soin. Restaurer, Réparer de


Jean-Philippe Pierron

Philosophe, Directeur de la Chaire Valeur(s) du Soin, professeur de philosophie à l'Université de Bourgogne