International

Est-il plus facile d’imaginer la fin du monde que la fin de Poutine ?

Politiste , Philosophe

Un festival de sophismes. La gauche poutiniste n’en finit pas de trouver des excuses à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, rejouant la dénonciation pacifiste de la Grande Guerre pour un conflit on ne peut plus asymétrique et ignorant, au nom d’un réalisme géopolitique dévoyé, le discours génocidaire du régime de Vladimir Poutine et sa conduite terroriste de la guerre.

La paix n’est pas l’absence de guerre mais une vertu née de la force de l’âme.
Spinoza
Le meilleur de l’Occident est en dehors de l’Occident, chez les jeunes femmes iraniennes qui lâchent leurs cheveux et sont assassinées à cause de cela. Le meilleur de l’Europe est hors d’Europe, chez les jeunes Ukrainiens qui déploient leurs drapeaux.
Adriano Sofri, octobre 2022

 

En écoutant un vers d’Euripide disant « Quand je mourrai, que tout brûle », Néron réagit, en corrigeant « Que tout brûle, moi vivant [1] ! ». Il était plus facile pour Néron d’imaginer la fin du monde que sa propre fin.

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Face à la guerre de haute intensité déclenchée par le tyran russe contre toutes les villes ukrainiennes, il est plus facile pour une bonne partie de la gauche occidentale – sauf de rares et courageuses exceptions – d’imaginer la fin du monde plutôt que la fin de Poutine.

En Europe occidentale, les critiques de gauche de la guerre russe contre l’Ukraine peuvent être regroupés en trois grands groupes : ceux qui légitiment l’agression, ceux qui défendent la paix et enfin ceux qui suivent à la lettre les manuels de réalisme dans les relations internationales.

La gauche qui défend la guerre néocoloniale russe[2] n’hésite pas à mobiliser des arguments anti-impérialistes pour relativiser la pire guerre impérialiste en cours : les interventions américaines passées justifieraient l’intervention russe actuelle. Le 23 février, l’économiste néo-développementiste Mariana Mazzucato a publié sur Twitter : « Je ne supporte pas Poutine, mais soyons honnêtes : qu’est-ce que les États-Unis feraient si le Mexique, sur sa frontière, concluait une sorte d’alliance sécuritaire avec la Russie ou la Chine ? »

C’est un festival de sophismes : « L’invasion de l’Ukraine est inacceptable, mais on ne peut pas dire qu’elle n’a pas été provoquée[3]. » La prudence du premier jour de guerre est vite abandonnée et, quelques mois après, cela donne : « Une guerre militaire (sic) entre Russie et États-Unis a lieu e


[1] Suétone, La vie des douze Césars. Livre 6. XXXVIII – Le grand incendie de Rome. 120 AD.

[2] Yaroslav Trofimov, « Russia’s long disdain for ukrainian nationhood », The Wall Street Journal, 28 avril 2022. Taras Bilous, « Self-determination and the war in Ukraine », Dissent, 4 mai 2022. Taras Bilous, « The war in Ukraine and the Global South », Commons, 13 mars 2022.

[3] Boaventura de Souza Santos, « Como chegamos até aqui? », Público, 25 février 2022.

[4] Boaventura de Souza Santos, « Três guerras e o futuro do planeta », Outras Palavras, 7 avril 2022.

[5] Ursula Lindsey, « A Painful In-Betweenness », The New York Review of Books, 21 juillet 2022.

[6] Le fil conducteur de la propagande de guerre du côté de l’envahisseur est la réduction de l’envahi à un détail mineur, traité dans les notes de bas de page du grand schéma des choses. Un exemple de ce dont nous parlons : Toni Negri et Sandro Mezzadra, Rejoignez la lutte mondiale contre le régime de guerre. Trad. Geert Lovik. Network Cultures, 9 août 2022.

[7] Maurizio Lazzarato dans son livre italien sur la guerre russe en Ukraine – Guerra o rivoluzione; perchè la pace non è una alternativa, DeriveApprodi, Roma, 2022 – fait un appel solennel contre la pensée molle pour ensuite plonger dans les abstractions faibles et les totalisations intermittentes sans aucune prise sur la réalité des forces impliquées dans l’invasion et la résistance.

[8] Edward P. Thompson a critiqué la manière dont les gauchistes d’Europe Occidentale font appel à la notion abstraite de Tiers-Monde se refusant à voir la moindre dimension productive dans les luttes en Europe orientale contre la domination soviétique et celles des régimes satellites. Pour eux, la sortie de la bipolarité de la guerre froide se situera toujours ailleurs, jamais du côté de ceux qui se sont rebellés au sein du socialisme réel de manière créative. The ends of Cold War. New Left Review, n° 182, août 1990.

[9] Ceci était prévu par le Mémorandum de Budapest, signé en 1994.

Giuseppe Cocco

Politiste , Professeur à l'Université fédérale de Rio de Janeiro

Bruno Cava

Philosophe, Co-rédacteur en chef de Lugar Comum

Notes

[1] Suétone, La vie des douze Césars. Livre 6. XXXVIII – Le grand incendie de Rome. 120 AD.

[2] Yaroslav Trofimov, « Russia’s long disdain for ukrainian nationhood », The Wall Street Journal, 28 avril 2022. Taras Bilous, « Self-determination and the war in Ukraine », Dissent, 4 mai 2022. Taras Bilous, « The war in Ukraine and the Global South », Commons, 13 mars 2022.

[3] Boaventura de Souza Santos, « Como chegamos até aqui? », Público, 25 février 2022.

[4] Boaventura de Souza Santos, « Três guerras e o futuro do planeta », Outras Palavras, 7 avril 2022.

[5] Ursula Lindsey, « A Painful In-Betweenness », The New York Review of Books, 21 juillet 2022.

[6] Le fil conducteur de la propagande de guerre du côté de l’envahisseur est la réduction de l’envahi à un détail mineur, traité dans les notes de bas de page du grand schéma des choses. Un exemple de ce dont nous parlons : Toni Negri et Sandro Mezzadra, Rejoignez la lutte mondiale contre le régime de guerre. Trad. Geert Lovik. Network Cultures, 9 août 2022.

[7] Maurizio Lazzarato dans son livre italien sur la guerre russe en Ukraine – Guerra o rivoluzione; perchè la pace non è una alternativa, DeriveApprodi, Roma, 2022 – fait un appel solennel contre la pensée molle pour ensuite plonger dans les abstractions faibles et les totalisations intermittentes sans aucune prise sur la réalité des forces impliquées dans l’invasion et la résistance.

[8] Edward P. Thompson a critiqué la manière dont les gauchistes d’Europe Occidentale font appel à la notion abstraite de Tiers-Monde se refusant à voir la moindre dimension productive dans les luttes en Europe orientale contre la domination soviétique et celles des régimes satellites. Pour eux, la sortie de la bipolarité de la guerre froide se situera toujours ailleurs, jamais du côté de ceux qui se sont rebellés au sein du socialisme réel de manière créative. The ends of Cold War. New Left Review, n° 182, août 1990.

[9] Ceci était prévu par le Mémorandum de Budapest, signé en 1994.