Écologie

Des activistes écologiques et des valeurs culturelles

Philosophe

La stratégie des activistes dans les musées ne consiste pas à instrumentaliser, en le mettant stupidement en danger, le patrimoine commun afin de faire passer un message écologique, mais, de manière autrement plus radicale, à contester la notion même de valeur culturelle.

Tout a commencé par une tarte à la crème lancée sur la vitre de protection de la Joconde, le 29 mai 2022 ; depuis, les attaques des jeunes activistes climatiques envers des chefs-d’œuvres se sont accumulées avec régularité[1], dans les musées du monde entier.

Cette nouvelle stratégie de désobéissance civile non violente a rencontré un écho médiatique considérable et largement suscité des réactions  d’indignation. Les autorités tout comme les institutions culturelles d’abord, qui ont déploré le caractère contre-productif de ce type d’opération. Par leur geste déplacé, les activistes auraient concentré l’attention sur la forme agressive de leur démarche, bien plus que sur le contenu du message écologique qu’ils prétendaient vouloir faire passer.

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Tout en reconnaissant l’importance de la cause que ces jeunes défendent, l’opinion en sa majorité en a condamné les moyens comme maladroits, injustifiés voire injustifiables. Attenter au patrimoine culturel au nom de la sensibilisation à la préservation de l’environnement serait contradictoire lorsque l’objectif est la sauvegarde du bien commun qui vise à garantir la satisfaction des besoins essentiels – matériels comme spirituels – de l’humanité[2]. Par ignorance ou par superficialité, les activistes écologiques auraient ainsi sous-estimé l’importance des œuvres conservées dans les musées, en ce qu’elles symbolisent et rappellent les plus hautes valeurs qu’inspirent la civilisation, valeurs que toute lutte – celle pour le climat y comprise – devrait s’attacher à défendre. De ce point de vue, s’attaquer au patrimoine culturel signifie s’attaquer aux principes mêmes qui sont aptes à justifier et légitimer la contestation.

Il me semble que ce raisonnement, par lequel on réduit le geste des jeunes activistes à une tentative naïve autant qu’inefficace, repose sur une compréhension fautive des enjeux et de la cohérence de leur stratégie. Je souhaite avancer ici que la stratégie en question ne consiste pas à instrumentalis


[1] La liste complète des œuvres attaquées est disponible ici.

[2] Par exemple le ministre de la culture italien s’était exprimé ainsi à l’égard de l’activisme écologique : « sbaglia profondamente le modalità con cui vuole salvaguardare questo obiettivo nobile, quello di conservare l’ambiente, perché nella sua nozione noi non dobbiamo ricomprendere soltanto i fiumi, i laghi, il mare le montagne, che sono una cosa importantissima che dobbiamo preservare. Nella nozione di ambiente, infatti, c’è anche tutto quello che è stato prodotto in secoli di storia dall’umanità ». (On se trompe profondément dans la manière dont on veut sauvegarder ce noble objectif, celui de la préservation de l’environnement, car dans sa notion il ne faut pas seulement inclure les rivières, les lacs, la mer et les montagnes, qui sont une chose très importante que nous devons préserver. Dans la notion d’environnement, il y a aussi tout ce qui a été produit au cours des siècles d’histoire par l’homme.)

[3] Comme on lit dans le blog du collectif Just Stop Oil : « there’s actually a long history of people (including artists themselves!) attacking art in galleries. »

[4] Dans le blog du collectif Just Stop Oil on lit : « Art galleries aren’t just places to admire pretty pictures: they should challenge our comfortable view of things. Especially at a time like this where staying in our comfort zone will lead to the destruction of everything we value. »

[5] Comme l’a déclaré Phoebe Plummer lors de l’attaque evers les Tournesols de Van Gogh : « What is worth more, art or life? Is it worth more than food ? More than justice ? Are you more concerned about the protection of a painting or the protection of our planet and people ? »

[6] La question est posée explicitement dans le blog de Just Stop Oil : « do I really care more about a work of art than about the basic planetary support systems that make art possible in the first place ? Does that make any sense ? There’s an apocalyptic, climate-driven famine

Anna Longo

Philosophe, Directrice de programme au Collège International de Philosophie

Notes

[1] La liste complète des œuvres attaquées est disponible ici.

[2] Par exemple le ministre de la culture italien s’était exprimé ainsi à l’égard de l’activisme écologique : « sbaglia profondamente le modalità con cui vuole salvaguardare questo obiettivo nobile, quello di conservare l’ambiente, perché nella sua nozione noi non dobbiamo ricomprendere soltanto i fiumi, i laghi, il mare le montagne, che sono una cosa importantissima che dobbiamo preservare. Nella nozione di ambiente, infatti, c’è anche tutto quello che è stato prodotto in secoli di storia dall’umanità ». (On se trompe profondément dans la manière dont on veut sauvegarder ce noble objectif, celui de la préservation de l’environnement, car dans sa notion il ne faut pas seulement inclure les rivières, les lacs, la mer et les montagnes, qui sont une chose très importante que nous devons préserver. Dans la notion d’environnement, il y a aussi tout ce qui a été produit au cours des siècles d’histoire par l’homme.)

[3] Comme on lit dans le blog du collectif Just Stop Oil : « there’s actually a long history of people (including artists themselves!) attacking art in galleries. »

[4] Dans le blog du collectif Just Stop Oil on lit : « Art galleries aren’t just places to admire pretty pictures: they should challenge our comfortable view of things. Especially at a time like this where staying in our comfort zone will lead to the destruction of everything we value. »

[5] Comme l’a déclaré Phoebe Plummer lors de l’attaque evers les Tournesols de Van Gogh : « What is worth more, art or life? Is it worth more than food ? More than justice ? Are you more concerned about the protection of a painting or the protection of our planet and people ? »

[6] La question est posée explicitement dans le blog de Just Stop Oil : « do I really care more about a work of art than about the basic planetary support systems that make art possible in the first place ? Does that make any sense ? There’s an apocalyptic, climate-driven famine