Les architectures totales de la ville néolibérale
À Euroméditerranée à Marseille, à Baud-Chardonnet sur les rives de la Vilaine, à Lyon Confluence comme aux Bassins à flots de Bordeaux, on se croirait aux abords de la gare de Massy-Palaiseau. Partout de la grande densité, partout des immeubles d’une quinzaine de niveaux arasés. Les constructions suivent les dessins de parcelles les plus grandes possibles, tirées au cordeau sur de vastes étendues planes, à peine dépolluées, déjà regoudronnées.

Pataudes, les proportions du bâti traduisent la logique économique qui les a engendrées : dans ces nouveaux « quartiers à vivre », les opérateurs immobiliers, promoteurs privés et bailleurs sociaux, rentabilisent le moindre mètre carré pour « enrayer la crise du logement ». Et comme le traitement des espaces extérieurs relève de l’agrément, petit « plus » censé attirer les nouveaux habitants, des venelles plantées de graminées lézardent entre les immeubles, « îlots de fraîcheur » trop étriqués pour que la faune expulsée y retrouve demeure.
Dans les logements, l’entrée-cuisine-couloir fait office de salon. Quand il y en a, les loggias sont peu profondes. Étroites, les fenêtres sont serties de PVC dans les pires des cas. Enfin, le catalogue des matériaux qui habillent les immeubles est varié, briquettes en parement, plaquettes de béton matricé, bois lasuré ou enduit coloré. La finesse des produits emballant l’isolation extérieure des logements donne peu d’espoir quant à leur pérennité. La tendance architecturale au néorationalisme, aux façades épaisses et aux percements alignés, a le mérite d’adoucir un peu l’impact visuel des milliers de mètres carrés emballés.
Devrait-on vivre à Marseille de la même manière que sur le plateau de Saclay ?
Malgré les cahiers des charges spécifiques qui régissent l’architecture et le paysage dans chaque Zone d’aménagement concerté (Zac) ; malgré les promesses, en dehors de ces secteurs, des élus et des urbanistes de « négocier » avec les promoteurs dans « l’intérêt de la collectivité »,