Société

Les sols, la préfète et l’intérêt commun

Architecte-Urbaniste

Début décembre 2022, la préfète de l’Indre-et-Loire est évincée. Remplacée et restée depuis sans affectation, Marie Lajus devrait son départ aux pressions exercées par les élus locaux auprès du ministre de l’Intérieur à la suite de l’avis défavorable qu’elle a émis sur un projet immobilier. Au moment où l’Association des maires de France émet vingt propositions pour la mise en œuvre du « zéro artificialisation nette » de la loi Climat et résilience, que nous dit cette péripétie des rapports entre les services de l’État et les élus locaux, entre intérêts locaux et intérêt commun ?

Au cœur du parc boisé du parc du château de Louise de la Vallière est envisagé le Da Vinci Labs, un incubateur d’excellence dédié aux projets de startups « deeptech ». Porté par les élus du département et défendu par Alain Aspect, prix Nobel de physique 2022, il est financé en partie par le propriétaire des lieux, l’homme d’affaires Xavier Aubry. L’incubateur doit accueillir start-ups et chercheurs en quantique, biologie cellulaire et intelligence artificielle. Le service des bâtiments de France a formulé des réserves sur l’intérêt du projet, qui ne respecte ni le Code de l’urbanisme ni l’esprit de la loi Climat et résilience d’août 2021 puisqu’il se déploie sur une zone inconstructible.

publicité

Suivant les conseils de ses services, la préfète a émis un avis défavorable qui a déclenché les foudres des édiles. L’affaire a été révélée par Le Canard enchainé dans son édition du 14 décembre. Selon le palmipède, les élus locaux se seraient plaints auprès du ministre de l’Intérieur de « l’exigence de certains services de l’État[1] » et de leur manque d’écoute, assurant ne pas avoir été reçus par la préfecture depuis quinze mois[2].

Gérald Darmanin affirme que la décision de démettre la préfète de ses fonctions n’a « rien à voir avec des projets immobiliers[3] ». Cependant, le ministre rappelle qu’un « représentant de l’État doit être inattaquable et respectable » sans citer pour autant le nom de la préfète. De son côté, le conseil municipal de la ville de Reugny, où est situé le château, affirme « qu’aucune forme de pression n’a été opérée par les élus municipaux en charge de ce dossier[4] ».

Je t’aime, moi non plus

Le fin mot de cette histoire ne sera sans doute jamais élucidé, mais il témoigne des relations compliquées et concurrentielles entre les maires et les préfets en France et plus largement entre les orientations nationales et les enjeux locaux sur fond de préservation de l’environnement et de développement économique.

Depuis quarante ans et les premières lois


[1] Déclaration du 6 décembre de Jean-Gérard Paumier (centre-droit), président du Conseil départemental.

[2] Communiqué de l’Association des maires ruraux de France de septembre 2022.

[3] Déclaration sur BFMTV du ministre de l’Intérieur le 1er janvier lors d’un déplacement à Mayotte.

[4] Communiqué publié le 21 décembre.

[5] Le prix de l’hectare agricole, en moyenne de 6 000 € en France, est deux à trois fois moindre qu’en Allemagne, au Royaume-Uni ou en Italie.

[6] Le dispositif « Denormandie », du nom de Julien Denormandie, ministre chargé de la Ville et du Logement dans le second gouvernement Philippe, permet de bénéficier d’une réduction d’impôt dans le cas d’un investissement locatif dans un quartier ancien dégradé d’une commune éligible à la loi.

[7] Renaud Epstein, « Gouverner à distance : quand l’État se retire des territoires », Esprit, 319, 2005, pp. 96-111.

[8] Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, a déclaré le 13 juillet 2022 que les décrets de mise en œuvre de l’objectif à 2050 du ZAN auront droit à une réécriture.

[9] Selon un sondage commandité en janvier 2022 par la Fédération française des constructeurs de maisons individuelles (FFC) et l’institut IFOP, 80 % des Français souhaitent vivre en maison individuelle plutôt qu’en appartement.

[10] David Holmgren, Permaculture. Principes et pistes d’action pour un monde soutenable, L’écopoche, 2014, 2017 (2002 pour l’édition originale).

[11] David Mangin et Philippe Panerai, Projet urbain, éditions Parenthèses, Marseille, 1999.

[12] « Le territoire français est le patrimoine commun de la nation. Chaque collectivité publique en est le gestionnaire et le garant dans le cadre de ses compétences. Afin d’aménager le cadre de vie, d’assurer sans discrimination aux populations résidentes et futures des conditions d’habitat, d’emploi, de services et de transports répondant à la diversité de ses besoins et de ses ressources, de gérer le sol de façon économe, de

Patrick Henry

Architecte-Urbaniste, Professeur à l'ENSA Paris-Belleville

Notes

[1] Déclaration du 6 décembre de Jean-Gérard Paumier (centre-droit), président du Conseil départemental.

[2] Communiqué de l’Association des maires ruraux de France de septembre 2022.

[3] Déclaration sur BFMTV du ministre de l’Intérieur le 1er janvier lors d’un déplacement à Mayotte.

[4] Communiqué publié le 21 décembre.

[5] Le prix de l’hectare agricole, en moyenne de 6 000 € en France, est deux à trois fois moindre qu’en Allemagne, au Royaume-Uni ou en Italie.

[6] Le dispositif « Denormandie », du nom de Julien Denormandie, ministre chargé de la Ville et du Logement dans le second gouvernement Philippe, permet de bénéficier d’une réduction d’impôt dans le cas d’un investissement locatif dans un quartier ancien dégradé d’une commune éligible à la loi.

[7] Renaud Epstein, « Gouverner à distance : quand l’État se retire des territoires », Esprit, 319, 2005, pp. 96-111.

[8] Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, a déclaré le 13 juillet 2022 que les décrets de mise en œuvre de l’objectif à 2050 du ZAN auront droit à une réécriture.

[9] Selon un sondage commandité en janvier 2022 par la Fédération française des constructeurs de maisons individuelles (FFC) et l’institut IFOP, 80 % des Français souhaitent vivre en maison individuelle plutôt qu’en appartement.

[10] David Holmgren, Permaculture. Principes et pistes d’action pour un monde soutenable, L’écopoche, 2014, 2017 (2002 pour l’édition originale).

[11] David Mangin et Philippe Panerai, Projet urbain, éditions Parenthèses, Marseille, 1999.

[12] « Le territoire français est le patrimoine commun de la nation. Chaque collectivité publique en est le gestionnaire et le garant dans le cadre de ses compétences. Afin d’aménager le cadre de vie, d’assurer sans discrimination aux populations résidentes et futures des conditions d’habitat, d’emploi, de services et de transports répondant à la diversité de ses besoins et de ses ressources, de gérer le sol de façon économe, de