Politique

À Mayotte, des politiques de délogement sans relogement

Architecte

Construire une feuille de route « du bidonville au logement » : le programme d’Olivier Klein, ministre délégué au Logement en visite à Mayotte jusqu’au 1er mars, est ambitieux, sur cette île où l’action publique se concentre depuis deux décennies sur une répression féroce des « habitats illégaux », au mépris d’un droit au logement resté au stade théorique. Sortir de la « bidonvilisation » de Mayotte n’est pas impossible, mais les alternatives existantes demeurent pour le moment très minoritaires.

Annoncée pour avril 2023 à Mayotte, l’opération « Wuambushu[1] » prévoit l’envoi d’un corps expéditionnaire de cinq escadrons de gendarmerie mobiles sur l’île, soit 400 agents. Mise en place par le ministre de l’Intérieur et validée par le Président de la République, elle a pour but de réaliser des expulsions massives d’étrangers en situation irrégulière et des démolitions encore plus massives des bidonvilles dans lesquels ils sont censés habiter. Alors même que le logement est déjà très largement insuffisant aussi bien en termes de qualité que de quantité sur l’île, la destruction prévue de plus de 1 000 habitations en deux mois semble une aberration qui vient s’ajouter à ce qui ressemble de plus en plus à une politique de délogement de masse.

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Depuis près de vingt ans à Mayotte, les migrations et la résorption des bidonvilles sont au cœur de l’attention et de l’action publique. Alors que près de la moitié de la population n’a pas la nationalité française, que la même proportion de personnes vit dans des logements en tôle[2], les habitants des bidonvilles font office de boucs émissaires désignés pour les nombreuses difficultés de l’île, quand bien même, dans un cercle pervers, les destructions répétées de quartiers spontanés par l’État ne font qu’augmenter les tensions et les violences pour tous.

Une explosion de l’habitat et des quartiers précaires

Quelques éléments semblent indispensables pour comprendre une situation devenue explosive. Si Mayotte devient officiellement le 101e département français en 2011, l’île est sous domination hexagonale depuis 1841 suite à sa vente à la France par le sultan local. Les trois autres îles avec lesquelles elle forme l’archipel des Comores sont annexées sous la contrainte au protectorat français en 1886.

En 1974, après des années de débats et de tensions, un référendum sur l’indépendance des Comores est organisé et Mayotte, à l’inverse des trois autres îles, vote pour demeurer sous tutelle métropolitaine. Ce choix fort


[1] Wuambushu : « Reprise » en mahorais.

[2] INSEE, « Quatre logements sur dix sont en tôle en 2017. Évolution des conditions de logement à Mayotte », INSEE Analyse Mayotte, 29/08/2019.

[3] Instauré le 18 janvier 1995 à la suite d’années de lobbying de la classe politique mahoraise, le visa préalable et nécessaire à l’entrée à Mayotte instaurait une barrière administrative et policière entre Mayotte et les autres îles des Comores.

[4] 10 560 exactement. Source : INSEE Mayotte Actualités – Lettre N°30, mai 2022.

[5] Plan d’actions pour le développement urbain durable à Mayotte (PADUDM), Rapport n°009571-02 établi par Philippe Schmitt, Conseil général de l’environnement et du développement durable, ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, mars 2015.

[6] INSEE, « Quatre logements sur dix sont en tôle en 2017. Évolution des conditions de logement à Mayotte », INSEE Analyse Mayotte, 29/08/2019.

[7] Malgré une abstention extrêmement élevée et des corps électoraux toujours très réduits, (42 000 votants aux élections présidentielles 2022 pour une population de 300 000 habitants), Mayotte a une histoire fidèle et continue de voter pour des élus et des candidats de droite. Cette relation est liée à nombre de moments historiques où des gouvernements de droite ont su donner droit aux revendications de nationalité française de l’île, à commencer par le référendum de 1974 et la reconnaissance du statut français de l’île par le président Giscard d’Estaing jusqu’à la départementalisation de 2011 décidée par le président Sarkozy. Inversement, le souvenir du président Mitterrand qui insistait sur la nécessaire relation avec les Comores et l’inscription de l’île dans son environnement régional ont laissé un goût amer. Marine Le Pen reçoit régulièrement un accueil chaleureux dans l’île et y a recueilli 43 % des suffrages au premier tour de la présidentielle de 2022 et même 50 % au second. L’intégralité des conseillers départementaux de Mayotte appartiennent à

Cyrille Hanappe

Architecte, Maître de conférences à l'ENSA Paris-Belleville

Notes

[1] Wuambushu : « Reprise » en mahorais.

[2] INSEE, « Quatre logements sur dix sont en tôle en 2017. Évolution des conditions de logement à Mayotte », INSEE Analyse Mayotte, 29/08/2019.

[3] Instauré le 18 janvier 1995 à la suite d’années de lobbying de la classe politique mahoraise, le visa préalable et nécessaire à l’entrée à Mayotte instaurait une barrière administrative et policière entre Mayotte et les autres îles des Comores.

[4] 10 560 exactement. Source : INSEE Mayotte Actualités – Lettre N°30, mai 2022.

[5] Plan d’actions pour le développement urbain durable à Mayotte (PADUDM), Rapport n°009571-02 établi par Philippe Schmitt, Conseil général de l’environnement et du développement durable, ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, mars 2015.

[6] INSEE, « Quatre logements sur dix sont en tôle en 2017. Évolution des conditions de logement à Mayotte », INSEE Analyse Mayotte, 29/08/2019.

[7] Malgré une abstention extrêmement élevée et des corps électoraux toujours très réduits, (42 000 votants aux élections présidentielles 2022 pour une population de 300 000 habitants), Mayotte a une histoire fidèle et continue de voter pour des élus et des candidats de droite. Cette relation est liée à nombre de moments historiques où des gouvernements de droite ont su donner droit aux revendications de nationalité française de l’île, à commencer par le référendum de 1974 et la reconnaissance du statut français de l’île par le président Giscard d’Estaing jusqu’à la départementalisation de 2011 décidée par le président Sarkozy. Inversement, le souvenir du président Mitterrand qui insistait sur la nécessaire relation avec les Comores et l’inscription de l’île dans son environnement régional ont laissé un goût amer. Marine Le Pen reçoit régulièrement un accueil chaleureux dans l’île et y a recueilli 43 % des suffrages au premier tour de la présidentielle de 2022 et même 50 % au second. L’intégralité des conseillers départementaux de Mayotte appartiennent à