À Mayotte, des politiques de délogement sans relogement
Annoncée pour avril 2023 à Mayotte, l’opération « Wuambushu[1] » prévoit l’envoi d’un corps expéditionnaire de cinq escadrons de gendarmerie mobiles sur l’île, soit 400 agents. Mise en place par le ministre de l’Intérieur et validée par le Président de la République, elle a pour but de réaliser des expulsions massives d’étrangers en situation irrégulière et des démolitions encore plus massives des bidonvilles dans lesquels ils sont censés habiter. Alors même que le logement est déjà très largement insuffisant aussi bien en termes de qualité que de quantité sur l’île, la destruction prévue de plus de 1 000 habitations en deux mois semble une aberration qui vient s’ajouter à ce qui ressemble de plus en plus à une politique de délogement de masse.

Depuis près de vingt ans à Mayotte, les migrations et la résorption des bidonvilles sont au cœur de l’attention et de l’action publique. Alors que près de la moitié de la population n’a pas la nationalité française, que la même proportion de personnes vit dans des logements en tôle[2], les habitants des bidonvilles font office de boucs émissaires désignés pour les nombreuses difficultés de l’île, quand bien même, dans un cercle pervers, les destructions répétées de quartiers spontanés par l’État ne font qu’augmenter les tensions et les violences pour tous.
Une explosion de l’habitat et des quartiers précaires
Quelques éléments semblent indispensables pour comprendre une situation devenue explosive. Si Mayotte devient officiellement le 101e département français en 2011, l’île est sous domination hexagonale depuis 1841 suite à sa vente à la France par le sultan local. Les trois autres îles avec lesquelles elle forme l’archipel des Comores sont annexées sous la contrainte au protectorat français en 1886.
En 1974, après des années de débats et de tensions, un référendum sur l’indépendance des Comores est organisé et Mayotte, à l’inverse des trois autres îles, vote pour demeurer sous tutelle métropolitaine. Ce choix fort