Écologie

Une étrange victoire

Journaliste et essayiste

Alors que le 6e rapport du GIEC est venu cette semaine rappeler l’urgence absolue de la situation climatique, insistant sur l’insuffisance des mesures prises à ce jour, il apparaît toujours pertinent de replacer dans une perspective historique notre condition anthropocène. C’est ce à quoi s’emploie depuis de longues années maintenant le journaliste américain Nathaniel Rich, dont le prochain essai, Un monde dénaturé, paraît à la fin du mois aux Éditions du sous-sol. En voici, en avant-première, l’introduction.

Glass Beach, la plage de Fort Bragg, est l’attraction la plus courue de la côte nord de la Californie. La « plage de verre » accueille plus de visiteurs que les confins sauvages de la Lost Coast, la « côte perdue », dont les sentiers escarpés, offrant des vues spectaculaires sur l’océan, serpentent au cœur de cloud forests, ces forêts tempérées humides baignées de brumes fréquentes, parsemées de cascades. La circulation y est beaucoup plus soutenue que dans les espaces naturels proches que sont les Mendocino Coast Botanical Gardens et le parc national des Mendocino Headlands.

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Depuis le parking situé au bout de la route d’accès à Glass Beach, les touristes descendent un escalier abrupt entre deux falaises de grauwacke pour aller photographier cette crique étroite où miroitent des myriades d’éclats de verre turquoise, bruns et rouges rubis, polis et arrondis par les vagues. Des pancartes enjoignent aux visiteurs, qui sont au nombre de deux ou trois mille chaque jour durant l’été, de ne pas empocher ces billes. Mais ils ne peuvent s’en empêcher.

En 2012, J. H. « Cass » Forrington, capitaine de la marine marchande à la retraite et propriétaire du Musée international du verre de mer, à deux pas de là, où sont exposées plus de trois mille pièces braconnées, lança une campagne pour « régénérer » la plage avec des tonnes de verre brisé. La demande de Forrington reposait sur un argument écologique : puisque le verre de mer, dont la présence avait créé un habitat pour les organismes marins microscopiques, était désormais intégré à l’écosystème local, il méritait le même type de protection que celle accordée au Séquoia sempervirens de la côte pacifique, au castor de montagne ou à la grenouille à pattes rouges.

Le Département de la pêche et de la faune de Californie (CDFW) a pour mission d’assurer la protection et la conservation des « communautés naturelles pour leur valeur écologique intrinsèque et les bénéfices qu’elles apportent aux populations ». Le sort de Glass


Nathaniel Rich

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