Société

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Avocat

Avocat des familles de Zyed et Bouna, électrocutés après avoir été pourchassés par la police à Clichy-sous-Bois et dont les morts avaient été à l’origine de l’émeute de 2005, Jean-Pierre Mignard se retrouve, dix-huit ans plus tard, face aux mêmes images, aux mêmes mots et se demande : que faire ?

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Dix-huit ans après Clichy-sous-Bois et quelques années de plus après Villiers-le-Bel, les mêmes images, les mêmes mots et un sentiment qui domine, la désolation. Des adolescents morts, des policiers en cause, des versions qui s’affrontent.

Tout a déjà été dit, je dis bien tout. Les facteurs sociaux, les conditions de vie, les garçons sédentarisés, et vindicatifs, les filles plus fluides, et des syndicats de police en insurrection idéologique, puis les révoltes ou émeutes selon là où les regards se posent.

On ajoutera des mairies incendiées, ce qui est nouveau. Il faudra savoir lesquels mais ce sont les biens publics auxquels on s’attaque car il n’y a plus ce type de distinction dans le cerveau d’une jeunesse en sédition. Ce sont les États-Unis, nous sommes devenus américains. En 1965, lors des émeutes de Watts, les adolescents se lançaient à l’assaut des magasins pillés avec un terrible slogan, « Burn Baby Burn », en 1957 déjà Eisenhower avait dû recourir à une division blindée pour juguler l’émeute.

Or nous n’avons pas de Martin Luther King à notre disposition et Emmanuel Macron n’est ni l’un ni l’autre des frères Kennedy. Tous nous psalmodions le mot de République comme les pieux égrainent leur chapelet, et puis rien. Nous sommes les États-Unis, le pays de la réussite individuelle où les systèmes de protection sociale divisent la société au lieu de la réunir. Comme en France où l’on rallonge, en expédiant les débats, la vie au travail de deux ans de millions de salariés. Comme en France où une taxe absurde sur les carburants jette les français ruraux dans la rue avant qu’on l’abandonne après avoir laissé des dizaines de blessés sur le terrain.

Les fonctionnaires de police sortent rincés de ces épreuves. Eux aussi comptent leurs blessés. Ce sont souvent des jeunes gens issus du peuple. Un prolétariat de la sécurité. Beaucoup n’en peuvent plus et certains en veulent plus encore rêvant d’en finir une fois pour toutes avec « les nuisibles ». Le fascisme rode et guette ses proies.

On demande de condamner et si on ne le fait pas, on est complice. Une société de délation. Comment ne pas condamner l’assaut à la voiture-bélier du portail de la maison d’un maire et l’agression de sa famille. Évidence. Mais à quoi cela sent-il ? Car ce sont des palinodies de bonne conscience comme le sont les condoléances à la mère de Nahel.

Nous n’en sommes plus là.

Il faut que ces émeutes s’arrêtent au moindre mal pour tous. Et qu’avec empathie sinon avec lucidité s’impose la seule question qui vaille : que faire ? C’est de technologie sociale que les quartiers ont besoin. Les recettes néolibérales sont carbonisées. Que se réunissent des familles, de soutien social et scolaire en parrainage ou marrainage des femmes ou familles isolées ou en perdition. Qu’une main prenne une main. Que la médecine rentre dans les quartiers et notamment la psychiatrie car il y a une épidémie de sécession psychique, que les grands sportifs pros monitorent les clubs sportifs, que les étudiants des centres villes aident les professeurs en périphérie, cela vaudra une unité de valeur, que les maires conduisent la politique pénale dans des conseils de prévention de la violence avec les services de la justice, de la police, les services sociaux et les groupes de jeunes des quartiers ; bref, mettre les gens ensemble.

Et que soit repoussé le discours de la guerre civile qui montre son méchant museau de haine. C’est de fraternité que nous avons besoin. C’est la devise de la République qu’il faut mettre en œuvre, lever la tête, la relire et la comprendre.


Jean-Pierre Mignard

Avocat, Barreau de Paris