Société

La police contre la République ?

Anthropologue, sociologue et médecin

Si le président de la République et le gouvernement ont peur, ce n’est pas, comme nombre de commentateurs l’ont cru, du risque d’extension et de prolongation des désordres urbains. Ils ont peur de leur police. On n’est plus dans un système où la police obéit à son gouvernement, mais où le gouvernement plie devant sa police.

C’est un moment de vérité. Moment de vérité pour la police, mais aussi pour le pouvoir.

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Deux grands syndicats, Alliance et Unsa-Police, qui représentent plus de la moitié des policiers, publient, dans un contexte de désordres urbains consécutifs à l’homicide perpétré par l’un des leurs, un communiqué dans lequel ils se déclarent « en guerre » contre des jeunes qu’ils appellent des « nuisibles » qu’il faut « mettre hors d’état de nuire » et annoncent qu’ils vont entrer « en résistance » si le gouvernement ne met pas en œuvre des « mesures concrètes » consistant à élargir encore leurs prérogatives, à leur assurer une protection judiciaire plus étendue et à exiger de la justice plus de sévérité à l’encontre des fauteurs de troubles.

On sait que certains policiers appellent les jeunes racisés des « bâtards ». Ils les qualifient désormais de nuisibles. On se souvient que le secrétaire général d’Alliance a déclaré il y a deux ans que « le problème de la police, c’est la justice ». Aujourd’hui, son problème, c’est le gouvernement. Face aux réactions des médias et de responsables politiques de gauche, les deux syndicats ont proposé une peu convaincante « explication de texte pour les nuls » dans laquelle ils se présentent en défenseurs des « valeurs de la République » tout en réitérant l’emploi du terme « nuisibles ». Ils s’y disent « victimes » d’une stigmatisation, comme ils le font à chaque fois que sont mises en évidence et en question les pratiques violentes et discriminatoires de certains d’entre eux.

Devant cette déshumanisation de citoyens français et cette menace de sédition, le Président, garant des institutions de la Ve République, prompt à vouloir sanctionner les parents d’enfants auteurs d’infractions, se tait. La Première ministre, qui accuse la France insoumise de « ne pas se situer dans le champ républicain », ne trouve rien de contraire à la République dans les discours d’intimidation contre le gouvernement qu’elle dirige. Le ministre de la Justic


Didier Fassin

Anthropologue, sociologue et médecin, Professeur au Collège de France et directeur d'études à l'EHESS