Politique culturelle

Une crise de l’opéra ?

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Accessibilité fragilisée, dépendance croissante à l’égard d’intérêts privés, parité qui ne progresse pas, coupure avec les grands enjeux environnementaux et sociaux, est-ce là l’opéra de demain ? En donnant les clés à des ensembles inventifs indépendants et des théâtres audacieux, le monde de l’art lyrique est capable de sortir de cette crise structurelle, pour laisser place, à nouveau, à une création plus libre et plus responsable.

La crise, quelle crise ? Alors que le Festival d’Aix-en-Provence bat son plein, que les plus grands noms des scènes européennes se retrouvent au plateau et dans la pâtisserie Weibel de la Place Richelme, on pourrait croire qu’elle est loin, la crise dont parlent tant les professionnels du secteur de l’opéra dans la presse. À première vue, la petite entreprise de Pierre Audi ne semble en tous cas pas la connaitre, et il y a même de l’audace dans la programmation de cette édition.

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On y retrouve Mozart, avec Così fan tutte, comme c’est la tradition depuis la fondation du Festival. Pour le reste, les choix impressionnent. Sur les quatre autres productions scéniques, on compte d’abord deux œuvres du début du XXe siècle : Wozzeck de Berg (1925) et l’Opéra de Quat’sous de Weill et Brecht (1928). Pas mal quand on sait les défis que lancent ces répertoires en matière de remplissage. On compte aussi deux créations contemporaines : Picture a day like this Georges Benjamin et Martin Crimp, Faggots and their friends between revolutions de Philip Venables et Ted Hufman. Le tout mis en scène par des stars du théâtre : Dmitri Tcherniakov, Simon McBurney, Thomas Ostermeier, Daniel Jeanneteau.

Le Festival d’Aix-en-Provence s’inscrit dans la lignée de ce qui est devenu l’une de ses marques de fabrique au fil de ses 75 ans : la création de nouveaux opéras. On se souvient de Thanks to my eyes d’Oscar Bianchi et Joël Pommerat, de Written on skin de Georges Benjamin et Martin Crimp, d’Innocence de Saariaho, son dernier opéra, et tant d’autres.

Un contexte inflationniste difficile

Alors, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Non, car le secteur de l’opéra traverse bel et bien une crise sans précédent. Cette crise frappe avant tout les maisons d’opéra.

Un rapide coup d’œil dans les programmations de la saison qui s’ouvre suffit pour voir que le nombre de spectacles proposés diminue, principalement dans le répertoire du XXe siècle, et que les œuvres nouvelles sont sacrifiées. Et pour cause, les maisons d’opéra subissent de plein fouet l’inflation, notamment celle des fluides rendue plus vive encore du fait de l’ancienneté de théâtres souvent mal isolés. Une inflation qui tire les salaires à la hausse, comme dans tous les secteurs.

Or, le contexte est aussi marqué par la fin des effets des aides exceptionnelles mises en place au moment de l’épidémie de la Covid-19, alors que le public revient tout juste dans les salles au niveau d’avant crise. La conséquence de tout cela : les moyens que les maisons d’opéra sont capables d’engager dans leur activité artistique – ce qu’on appelle les marges artistiques – se sont effondrés.

Depuis quelques mois, les représentants des maisons d’opéra se sont publiquement alarmés de l’état du secteur. Loïc Lachenal, vice-Président des Forces musicales, syndicat des principales institutions lyriques du pays, assurait en février dernier que 26 productions d’opéras avaient été annulées et 120 représentations déprogrammées pour la saison prochaine, parlant d’« une hécatombe à bas bruit ». Il a d’ailleurs évoqué la fermeture pour quelques mois de l’Opéra de Rouen, dont il est directeur. Cette situation dégradée diminue l’offre lyrique dont peut profiter le public et met les artistes face à une raréfaction du travail, avec un mal-être croissant dont tous les professionnels du secteur peuvent témoigner. Elle fait aussi hésiter les plus jeunes à s’engager dans ces carrières difficiles et hachées, qui se traduisent souvent par la précarité.

Le modèle économique de l’opéra à bout de souffle

Alors, redonnons des moyens aux maisons d’opéra, et tout s’arrangera ? Non car, en réalité, cette crise n’est ni surprenante, ni exceptionnelle. Elle s’inscrit dans une perspective de long terme. C’est pour cette raison que, bien avant l’épisode inflationniste, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot a commandé un rapport sur la politique de l’art lyrique en France à Caroline Sonrier, Directrice de l’Opéra de Lille. Publié en novembre 2021, ce rapport montre précisément que la crise n’est pas conjoncturelle mais structurelle, que l’effondrement des marges artistiques s’inscrit dans le temps long. Cela s’explique par deux phénomènes.

D’une part, le modèle économique des maisons d’opéra est soumis à rude épreuve. Alors que les subventions stagnent depuis le début des années 2000, les marges artistiques des maisons ont peu à peu été rongées. Dans le même temps, les missions qui leur sont confiées ont été élargies avec des attentes nouvelles en matière d’action artistique et culturelle et de rayonnement territorial. En la matière, elles sont d’ailleurs devenues des modèles avec leurs opérations de captation-diffusion régionales ou à la mise en place de programmes participatifs ambitieux comme Finoreille à Lille. Si ces projets peuvent générer des ressources, l’équation financière globale est si difficile que les maisons d’opéra ont été contraintes de réduire le nombre de représentations, entrainant une baisse du public de l’ordre plus de 15 % en 15 ans selon le rapport, soit plus de 250 000 billets en moins.

Certaines institutions lyriques s’en sortent mieux que les autres, à l’image du Festival d’Aix-en-Provence, qui a su trouver les ressources pour développer des dimensions intéressantes de son activité, comme l’Académie ou Aix-en-Juin, sans fragiliser sa programmation. Une prouesse qui s’explique aussi par un engagement supplémentaire de l’État de l’ordre de 500 000 euros depuis l’arrivée de Pierre Audi. Aujourd’hui, avec 4,16 millions d’euros de subvention de l’État, le Festival d’Aix-en-Provence bénéficie d’environ 10 % de l’enveloppe totale dédiée aux festivals, toutes disciplines confondues, qui sont près de 600 à être aidés par l’État en 2021.

D’autre part, les temps changent, et les maisons d’opéra ont peu à peu accru leur coupure avec une société en pleine mutation. Si le Festival d’Aix-en-Provence résiste mieux à la crise, il fait face aux mêmes défis que l’ensemble du secteur de l’opéra. Il faut en dire quelques mots.

Le secteur de l’opéra face aux défis d’une société en pleine mutation

Dans les salles, le public est socialement toujours aussi marqué, plus riche et plus âgé que dans les autres lieux culturels, un phénomène accentué par l’augmentation du prix des places impliquée par les tensions sur le modèle économique. La première catégorie dépasse 300 euros à Aix-en-Provence, 200 euros à l’Opéra de Paris, et les prix augmentent partout actuellement. Des places moins chères dans les autres catégories, il y en a, mais combien ? Dans le secteur de l’opéra, personne n’ignore que leur nombre se réduit, et que les plans de salle sont régulièrement redessinés pour augmenter le nombre de places des premières catégories.

Sur le plan budgétaire, malgré l’augmentation du soutien de l’État et des prix des places, une part croissante des ressources provient de mécénat. Dans un article récemment paru dans Libération le 5 juin dernier, Antoine Pecqueur souligne que l’augmentation de la part du mécénat dans les ressources rend les établissements qui en bénéficient plus dépendants d’intérêts privés divergeant parfois de l’intérêt général. Dans les plus grands établissements comme à Aix-en-Provence, la présence de plus en plus forte des mécènes et de leurs invités, particulièrement choyés, donne même parfois l’impression d’un service public à deux vitesses. L’État finance pourtant 66 % du mécénat sous forme de crédits d’impôts depuis la loi Aillagon de 2003.

Sur les plateaux comme en fosse, pour l’édition 2023 du Festival d’Aix-en-Provence, pas une seule femme à la direction musicale ni à la mise en scène de ses productions d’opéra. En France, seules trois maisons d’opéra sont dirigées par des femmes. Plus de quinze ans après les rapports de Reine Prat, comment est-ce encore possible ? On peut aussi s’étonner de l’échelle des productions tant scéniquement que budgétairement. Cela peut contribuer au rayonnement du Festival mais limite les tournées au réseau des plus grandes maisons internationales, alors que le Festival est principalement financé par l’État. Quel sens est-ce que cela a quand la ministre de la Culture Rima Abdul Malak met justement l’accent sur la refondation du modèle de production d’opéra pour mieux diffuser sur le territoire national ?

Enfin, malgré la place importante de la création, on peut souligner l’absence de prise en compte de l’enjeu écologique tant dans les contenus que dans les modes de production. Alors même que le changement climatique montre chaque jour un visage plus alarmant, et qu’il fait partie des principales préoccupations des Français selon tous les sondages… Un jour pas si lointain, présenter des spectacles d’opéra à Aix-en-Provence en juillet dans des salles climatisées nous paraitra peut-être absurde. À ce moment-là, comment considérerons nous les moyens engagés pour aménager le Gymnase désaffecté de Vitrolles, pour y planter des arbres et y faire pleuvoir en pleine période de sécheresse, devant un public contraint de faire l’aller-retour en voiture ou en bus ? Qu’en penseront nos enfants, qui vivront sur une planète à + 3°C ou + 4°C dont on ne peut imaginer la brutalité ?

Accessibilité déclinante, dépendance croissante à l’égard d’intérêts privés, service public dégradé, absence de parité, coupure avec certains des grands enjeux sociétaux, est-ce là l’opéra de demain ? On peut en douter. Et si la création d’œuvres nouvelles doit se faire à ce prix, pour des formes qui ne pourront être reprises qu’avec des moyens incertains dans l’avenir, est-elle souhaitable ? La production d’opéra est presque totalement financée par des moyens publics, notamment par les collectivités territoriales. Or, cette coupure avec la société suscite une défiance, pointée par Caroline Sonrier, qui peut porter les partenaires publics à reconsidérer leur soutien. Que se passera-t-il si ce phénomène s’accentue ?

L’extraordinaire vitalité de l’opéra

Alors tout est-il perdu ? Non, mille fois non. Car il existe aussi, dans le domaine de l’opéra, un foisonnement inédit. Autour des murs des vielles maisons, les rues fleurissent. Partout en France, des artistes s’emparent de l’art lyrique pour créer leurs spectacles. Représentants de toutes les disciplines artistiques et de toutes les esthétiques, dans la plus pure tradition de l’opéra qui a toujours été un art de croisements, ils explorent la diversité des ramifications entre le chant, la musique et le théâtre pour inventer des formes nouvelles. Ils ne sacralisent pas le répertoire, s’en emparent librement, réécrivent les œuvres, les mêlent à d’autres, repensent leurs dramaturgies, comme cela se fait naturellement dans le théâtre ou la danse.

Qu’on pense à Jeanne Candel et Samuel Achache, dont Le Crocodile trompeur d’après Didon et Enée de Purcell, créé en 2014, a été joué plus de 150 fois, ou aux nombreuses productions du théâtre des Bouffes du Nord. Qu’on pense à ces ensembles comme Correspondances, La Tempête, Le Balcon, Miroirs Étendus ou à des compagnies comme La Vie brève, Maurice et les autres, la Femme coupée en deux, et bien d’autres, qui s’aventurent dans des productions scéniques lyriques qui trouvent leur public. Tant d’ensembles, de compagnies, de chanteurs, d’artistes de tous horizons pourraient être cités.

Beaucoup de ces artistes travaillent pour les maisons d’opéra, y mettent en scène ou y interprètent des spectacles, mais c’est dans l’indépendance qu’ils sont libres d’inventer les formes dont ils rêvent, et c’est dans l’indépendance que sont inventés les modes de production demandés par leurs projets – et non l’inverse. Imperceptiblement, par un tissu de « transformations silencieuses » pour reprendre les mots de François Jullien, ils changent le visage de l’opéra. Car, oui, ils font de l’opéra. Dans l’indépendance, ils renouvellent cette histoire parallèle de l’opéra, qui lie l’opéra-comique au théâtre musical, si souvent l’un et l’autre regardés avec condescendance alors qu’ils ont donné tant de chefs-d’œuvre qui ont marqué l’histoire de l’art et sont entrés au répertoire, à l’image de Carmen

Ces projets de plus petite échelle, financièrement plus légers, irriguent des territoires éloignés des grandes métropoles, notamment dans le réseau des scènes pluridisciplinaires, où les places sont beaucoup moins chères. Ils sont plus accessibles, trouvent de nouveaux publics, reflètent davantage la parité, sont produits selon des modalités plus écologiques. Ce sont d’ailleurs les salariés des structures qui les produisent qui ont créé Arviva, association de rayonnement national qui traite des enjeux environnementaux dans le domaine du spectacle vivant.

Une production indépendante vivante mais fragile

Dans sa Dramaturgie d’une passion, Gérard Mortier rêvait de maisons d’opéra dont les saisons comprendraient 50 % de création, où seraient régulièrement créées de nouvelles œuvres, où de nouvelles formes d’opéra s’épanouiraient. Il voulait faire de la salle modulable, qu’il a tant voulu pour l’Opéra Bastille, le terreau fertile de ce renouvellement qu’il estimait nécessaire. Presque dix ans après sa mort, le rêve de Gérard Mortier peut sembler plus vain que jamais dans un secteur dont les principales institutions ne parviennent plus à créer.

Mais les théâtres qui s’ouvrent sur l’indépendance font entrer la vitalité de l’opéra dans leurs murs et réalisent un peu de ce rêve. À Paris, les Bouffes du Nord et le Théâtre de l’Athénée proposent des saisons qui reflètent l’opéra d’aujourd’hui. En dépit de moyens limités, le Théâtre de l’Aquarium s’est aussi affirmé comme un lieu important pour les acteurs de cette vitalité. Leur modèle économique est pourtant plus fragile que celui des maisons d’opéra, avec des productions bouclées par l’irrépressible volonté de créer. Aujourd’hui, comme toutes les productions indépendantes, elles reposent sur la combinaison d’aides multiples qui imposent de déposer un grand nombre de demandes répondant à des critères différents auprès d’interlocuteurs multiples, de bouts de subventions versées aux ensembles et aux compagnies, et de coproductions issues des scènes pluridisciplinaires et non d’opéras, quelques dizaines de milliers d’euros à chaque fois, mais une dynamique de collaboration qui permet de faire des miracles. Car ce n’est pas là que la puissance publique apporte le plus de soutien.

Au contraire, le rapport Sonrier rappelle que l’État concentre fortement son intervention sur quelques opérateurs : les deux opéras nationaux parisiens, qui bénéficient de plus de 70 % des subventions au secteur de l’opéra, les six opéras nationaux en région et le Festival d’Aix-en-Provence. Neuf établissements qui bénéficient à eux seuls de 15 % de l’ensemble des 800 millions d’euros de crédits consacrés au spectacle vivant par le ministère de la Culture, pour toutes les maisons d’opéra, tous les festivals, 77 scènes nationales, 38 centres dramatiques nationaux, 19 centres chorégraphiques nationaux, la centaine de scènes conventionnées, et les innombrables compagnies et ensembles. Le développement du mécénat, lui-même concentré sur les plus gros acteurs, accentue cet effet de concentration.

Inventer un nouveau modèle pour l’opéra

Tout le tableau n’est pas noir. Certaines maisons comme l’Opéra de Lille ou l’Opéra de Rennes – qui n’ont pas d’orchestres permanents – ont aussi su s’ouvrir sur cette vitalité, l’accompagner, lui faire une place sur leurs scènes, s’appuyer sur elle pour atteindre des publics éloignés en les programmant hors-les-murs. Il est aussi intéressant de voir que les modes de production de l’indépendance font école, à l’image de l’Opéra de Lyon qui a récemment initié la création de spectacles lyriques plus légers pour tourner en région. Une démarche qui est d’autant plus nécessaire que la rupture sociale entre les grands centres urbains, les banlieues et les territoires ruraux s’accroit, ainsi que l’a montré Jérôme Fourquet dans L’Archipel français. On peut également citer la co[opéra]tive, collectif de production qui rassemble trois théâtres lyriques et trois scènes nationales dont les spectacles sont joués dans une grande pluralité de théâtres partout en France. Celles-ci trouvent aussi de plus en plus nombreux partenaires dans le réseau des maisons d’opéra, preuve qu’elles constituent une réponse aux difficultés structurelles observées aujourd’hui.

Toutes ces initiatives réussies suggèrent que l’articulation des maisons d’opéra avec l’indépendance peut être vertueuse, qu’elle peut recéler des perspectives intéressantes pour l’ensemble des acteurs du secteur. Nul doute que le public y trouverait lui aussi son bonheur, en pouvant accéder plus facilement à une plus grande diversité de propositions sur une plus grande diversité de territoires. Pour contribuer à sortir les maisons d’opéra de la situation difficile dans laquelle elles sont, l’État pourrait s’emparer de cet enjeu en initiant une refonte de son intervention pour permettre au secteur d’élargir à nouveau leur public.

Plusieurs écueils sont à éviter. Il ne s’agit pas d’engager des moyens supplémentaires de façon toujours plus concentrée dans un modèle économique à bout de souffle. Ce n’est pas simplement en retrouvant le niveau de production d’hier que les maisons d’opéra pourront relever les défis que lance la société d’aujourd’hui. Il ne s’agit pas non plus de se contenter de favoriser l’appropriation des modes de production de l’indépendance par les maisons d’opéra. Cela pourrait avoir pour effet de fragiliser l’indépendance en la mettant en concurrence avec des structures mieux dotés mais qui n’ont ni leur savoir-faire, ni leur souplesse, ni leur créativité. Qu’en résulterait-il alors si ce n’est un plan social à bas bruit dans les compagnies et ensembles indépendants ?

Pour une institution lyrique plus ouverte

En matière de politique culturelle, l’heure est peut-être venue de changer de philosophie, de sortir de l’idée que l’institution doit s’en sortir seule, remplir un cahier des charges intenable qui ne cesse de s’allonger en concentrant toujours plus de moyens. Le pragmatisme invite aujourd’hui à ouvrir davantage les maisons d’opéra sur leur écosystème. Les maisons d’opéra pourraient être affirmées comme de formidables théâtres de diversité et de création, rassemblant toute la vitalité de l’opéra selon des modalités aussi variées que celles de la production, de la coproduction ou de l’accueil de productions y compris indépendantes dans tous les formats. Et si le Festival d’Aix-en-Provence présentait chaque été, aux côtés de ses productions, le meilleur de la création lyrique indépendante ? Une telle programmation ne demanderait que quelques centaines de milliers d’euros sur ses 23 millions d’euros de budget.

Pour l’État, plusieurs pistes pourraient être explorées. Plutôt que de renforcer les maisons comme outils de production totaux, produisant tous leurs spectacles, pourquoi ne pas favoriser les collaborations des maisons d’opéra avec les acteurs indépendants dont les productions peuvent être présentées sur leurs scènes et rayonner dans les régions ? Pourquoi ne pas rendre les forces musicales permanentes autonomes pour leur permettre de mieux faire circuler le patrimoine musical dont elles sont les héritières et recentrer les maisons d’opéra sur leur mission lyrique ? Pourquoi ne pas mieux accompagner l’indépendance pour consolider une vitalité dont bénéficient tous les acteurs du secteur et favoriser le renouvellement du public ?

En 2020, le ministère de la Culture a commandé deux rapports, l’un sur les maisons d’opéra, l’autre sur les orchestres. Un rapport sur les forces indépendantes, laissées de côté alors que la France en est l’une des terres les plus florissantes, pourrait permettre d’affiner les contours de la nécessaire refonte du secteur.

La culture est un ensemble vivant et continu d’interactions, de frictions, de métissages, dont l’opéra a su être le symbole en Europe. La crise actuelle donne à l’État une opportunité de faire culture de l’opéra pour le faire à nouveau rayonner auprès du plus grand nombre.


Emmanuel Quinchez

Producteur, Responsable de la programmation musicale MC2: Grenoble