Les émotions du changement climatique
Le 6 avril 2022, un climatologue du laboratoire Jet Propulsion de la NASA, Peter Kalmus, fait les titres de la presse anglo-saxonne, The Guardian et The Independent notamment. Pourquoi ? A-t-il découvert quelque chose ? Non, il a pleuré en public en prenant la parole devant la presse, enchaîné aux portes du siège social de la banque J.P. Morgan, afin de protester contre les investissements extractivistes de la firme. « Je suis ici parce que les scientifiques ne sont pas écoutés. Je suis prêt à prendre un risque pour cette magnifique planète », a-t-il déclaré entre deux sanglots. « Nous allons tout perdre. Nous ne plaisantons pas, nous ne mentons pas, nous n’exagérons pas[1]. »

L’homme avait rejoint le mouvement Scientist Rebellion, regroupement de scientifiques de tous horizons exaspérés d’alerter dans le vide, de constater les inactions gouvernementales et économiques. Kalmus s’était pourtant démené avant d’en arriver là, il a raconté avoir animé des dizaines de rencontres publiques, s’être déplacé dans l’école de ses enfants pour les sensibiliser, mais devant le silence et le manque de réaction, il a choisi la protestation non violente et, surtout, d’assumer publiquement ses émotions. Ce qui constitue une exception dans le domaine scientifique où le sang-froid est de mise pour être crédible.
« Si en sciences sociales, on sait depuis longtemps que toute recherche est politique, les sciences naturelles se débattent encore avec cet idéal de neutralité, alors qu’elles sont influencées en amont par leurs financements et en aval par l’usage qu’on fait de leurs découvertes[2]... » explique pourtant le sociologue Milan Bouchet-Valat.
Cette affirmation des émotions, d’une écoanxiété incarnée et d’un désarroi semble petit à petit plus compatible avec la recherche, voire même vitale pour certain.e.s, cependant elle reste un épiphénomène. Comme dans le cas de la scientifique Rose Abramoff, spécialiste du stockage de carbone en forêt, qui s’est, comme Peter Kalmus, e