Société

Des croyances imaginaires

Chercheur en neurosciences

Nombre des choses que nous prenons pour des croyances sont en fait des « croivances », c’est-à-dire contenus indistincts et impersonnels simplement approuvés, délibérément, pour leur propension à nous distinguer les uns les autres, plutôt que pour leur faculté de traquer efficacement la vérité.

Dans une démocratie libérale, il est demandé aux individus de suivre l’actualité, et même de s’y intéresser.

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Celui ou celle qui ne fait pas l’effort de se tenir au courant des développements constants dans des domaines aussi divers que la politique intérieure et internationale, la santé, la technologie, l’éducation, la culture ou encore l’économie peut difficilement remplir son office de citoyen ou de citoyenne, rôle qui exige l’acquisition continue de connaissances permettant d’orienter ses jugements et décisions dans un monde toujours plus complexe et conflictuel.

Pourtant, non seulement ce labeur épistémique n’est pas de tout repos, mais il est en réalité impossible. Quelles que soient les compétences, les ressources et la motivation de tout un chacun à se tenir informé, personne ne peut aujourd’hui prétendre à un savoir général et fiable sur toutes les facettes de nos sociétés en perpétuel mouvement. En l’état, ce simple constat aurait déjà de quoi interroger l’idéal du citoyen autonome, éclairé et rationnel, mais il faut en plus compter sur nombre d’acteurs disséminant, intentionnellement ou pas, erreurs, approximations, foutaises et contre-vérités, ce qui ne facilite guère une tâche déjà ardue.

Dans ce contexte, la question de la croyance est au cœur de nombreuses controverses contemporaines. À défaut de savoir, les individus se contenteraient de croire, méthode assurément plus rapide et moins coûteuse. Pandémies, guerres, élections, réformes, polémiques, scandales, désastres et buzzes de circonstance, tout semble se réduire à une simple question : qui croit quoi ? Des objectifs réels de Vladimir Poutine aux prouesses technologiques des pyramides d’Égypte, de la couleur de peau de Cléopâtre à la forme exacte de la Terre, de la fiabilité des cryptomonnaies à la panique du wokisme, de la chocolaterie Trogneux aux lubies d’Elon Musk, du changement climatique aux vertus anti-cancer des jus de fruits, des risques de la 5G à la cancel culture, on affiche s


Sebastian Dieguez

Chercheur en neurosciences, à l'université de Fribourg (Suisse)

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