Ne pas renoncer à penser
– réponse à Bruno Karsenti et al.
Le débat scientifique suppose le respect de ses interlocuteurs et l’intégrité des arguments qu’on leur oppose. Le flot de calomnies déversé à mon encontre ne relève pas de ce que devraient être la rigueur et de la collégialité intellectuelles.

La déformation des propos, la caricature de la pensée, la violence de l’injure, l’incrimination diffamatoire ne sont pas dignes de ce qu’on peut espérer de l’expression légitime d’une contradiction. Là où l’on devrait attendre un échange d’idées, la seule disqualification de l’adversaire, sur lequel on jette l’opprobre en proférant les accusations les plus graves, n’est pas tolérable. Ce n’est donc pas dans ce registre que je vais répondre à mes procureurs. Mais il me semble devoir aux lectrices et aux lecteurs le rétablissement de la vérité sur le sens de ce que j’écris.
Le rôle des sciences sociales est de contribuer à la compréhension du monde. Il est d’autant plus important que les sujets sont sensibles, que les passions remplacent la réflexion, que les dénonciations tiennent lieu d’analyse. Le travail du chercheur repose sur l’enquête et sur l’interprétation. Il vise à apporter des éclairages sur ce qui se joue dans des situations complexes, parfois opaques, et il le fait en ayant recours à ce qui caractérise toutes les disciplines scientifiques, à savoir l’esprit critique. Bien entendu, ce travail ne garantit pas l’accès à la vérité, mais il s’emploie à mettre en cause les fausses évidences. C’est ce que j’ai toujours tenté de faire dans mes recherches, qui portent depuis longtemps sur des questions morales et des enjeux politiques difficiles, autour notamment de l’inégale valeur des vies. Comment, dès lors, peut-on oser écrire que, pour moi, « une vie juive vaut bien moins que toute autre » ?
L’inégalité dont je parle, le conflit israélo-palestinien en est la douloureuse illustration à Gaza. Pendant la guerre de 2009, le rapport entre le nombre de tués israéliens et palestiniens était d’un à cent, plus élevé e