Politique

Les convictions morales peuvent être un danger pour la démocratie

Neuroscientifique

Quel effet produit la moralisation d’une question sur la démocratie ? En faisant de certains sujets un enjeu moral, les citoyens sont plus enclins à lui donner de l’importance et à se mobiliser pour défendre ce en quoi ils croient. Mais cela crée également une polarisation idéologique du débat public, entraînant antagonismes, préjugés et haine.

Les normes qui spécifient l’acceptabilité ou l’inacceptabilité de certains comportements font partie de toutes les cultures depuis l’aube de l’humanité. Elles émanent de notre sens moral, une adaptation qui facilite la vie en groupe, régule nos interactions sociales permettant ainsi la coopération au-delà des liens de parenté.

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Les croyances associées à des valeurs morales peuvent néanmoins conduire à des attitudes dogmatiques, antagonistes, à une polarisation du débat politique, voire des actions collectives violentes. Lorsqu’une question est fortement moralisée, il devient plus difficile d’intégrer des aspects pragmatiques qui prennent en compte les coûts, les bénéfices et les conséquences.

De nombreux changements sociétaux positifs, tels que l’obtention du droit de vote pour les femmes aux États-Unis dans les années 1920, le mouvement des droits civiques dans les années 1950, ou la légalisation de l’avortement dans les années 70 à travers de nombreux pays résultent des efforts de personnes ayant de fortes convictions et de leur engagement dans des actions collectives. La mesure dans laquelle une personne considère qu’un sujet donné comme l’euthanasie, l’exploitation minière, l’utilisation du glyphosate, l’immigration ou la production commerciale de viande relève de principes moraux, a des conséquences importantes pour la société dans son ensemble. Pour le meilleur et pour le pire, les convictions morales déclenchent des réactions plus ardentes que d’autres croyances ainsi qu’une volonté d’agir.

La moralisation, c’est-à-dire le processus par lequel des préférences préalablement moralement neutres sont converties en principes ou croyances absolus, incontestables et transcendant les contextes peuvent inspirer le progrès mais également susciter le dogmatisme, l’intolérance et parfois la violence. La polarisation affective idéologique actuelle dans le champ politique, principalement motivée par le phénomène de moralisation et d’idéologies, constitue un danger


Jean Decety

Neuroscientifique, Professeur à l'Université de Chicago

Mots-clés

Démocratie