Écologie

Résister au meurtre (d’un animal)

Angliciste

« Regardez-moi ce beau cerf dans mon jardin. La chasse à courre, elle a voulu le prendre. Eh ben, c’est mort. » Ces mots sont ceux de Sylvain Saucet, un habitant de la commune d’Ingrannes dans le Loiret. Le 25 novembre 2023, il s’est interposé entre un équipage de chasse à courre et le cerf qu’il poursuivait, venu trouver refuge dans son jardin. Sylvain Saucet a agi de façon zooinclusive – il a vu cet animal comme un être vulnérable, en besoin de protection – et il a résisté à son meurtre programmé.

Saucet n’est pas un militant anti-chasse. D’ailleurs, il n’est opposé pas à cette pratique, par principe, il le dit dans une vidéo de l’association Abolissons la Vénerie Aujourd’hui, vidéo disponible sur le site du quotidien La Dépêche : « qu’on chasse un animal, je suis d’accord ». Mais qu’un cerf venu se réfugier dans son jardin, un animal épuisé, blessé, acculé soit pourchassé par une meute pour être abattu par un veneur à cheval, fût-il Monsieur de la Rochefoucauld, membre de la célèbre famille de l’aristocratie française, qui dirigeait l’équipage, lui était inacceptable.

publicité

M. Saucet n’a d’ailleurs guère été impressionné par le titre de noblesse du chef des veneurs et l’a éconduit, selon ses propres dires, aussi bien que s’il avait été le président de la République lui-même. Comme beaucoup d’autres Français et beaucoup d’autres Françaises, confronté à une telle situation, M. Saucet n’aspire pas à la mise à mort volontaire et ritualisée d’un animal en piètre posture. Effectivement, il a protégé, nourri, abreuvé, secouru ce jeune cerf à bout de souffle. Sylvain Saucet a résisté à sa mise à mort. Il a jugé que celle-ci était immorale, au nom d’un moindre bénéfice (quel bénéfice d’ailleurs est celui de la traque et de la mise à mort violente d’un cervidé par une équipe de vénerie ?).

Cet événement est remarquable à plus d’un titre. Je voudrais ici m’attarder sur ce qu’il révèle des relations anthropozoologiques actuelles, et sur le fait que bien des membres de notre société sont contre les actes de cruauté commis sur les autres animaux. Comme dit M. Saucet, « On est en 2023, quand il est pris au piège, c’est bon, cela fera plaisir à tout le monde qu’il le laisse partir, l’animal. »

En 2023, la majorité des gens, en France, soutiennent l’interdiction de la chasse à courre (77 %) et des corridas (77 %), ou encore celle de l’élevage intensif (85 %)[1]. La demande d’évolution est tangible. On la perçoit également dans l’opinion formulée par 84 % de Françaises et


[1] Ifop, sondage « Les Français et le bien-être des animaux vague 5 (2022) – Fondation 30 Millions d’amis », janvier 2022. Enquête menée auprès d’un échantillon de 1 007 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

[2] Ifop, étude « Le regard des Français sur la loi contre la maltraitance animale et la place de ce sujet dans les débats de l’élection présidentielle de 2022 » réalisée pour Woopet. L’étude a été menée par questionnaire auto-administré en ligne du 14 au 16 septembre 2021 auprès d’un échantillon de 1 014 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

[3] Aurélien Miralles, Michel Raymond, Guillaume Lecointre, « Empathy and compassion toward other species decrease with evolutionary divergence time », Scientific Reports, vol. 9, n° 1, 2019.

[4] Var-Matin, « Après plus de huit heures d’efforts, les pompiers sauvent la vie d’un petit âne tombé dans un trou », 10 décembre 2023.

[5] Le Matin Dimanche, n° 19934, p. 15, 3 décembre 2023.

[6] Ibid, p. 17.

Émilie Dardenne

Angliciste, Maîtresse de conférences à l’Université Rennes 2, membre senior de l'Institut universitaire de France

Rayonnages

Société Écologie

Notes

[1] Ifop, sondage « Les Français et le bien-être des animaux vague 5 (2022) – Fondation 30 Millions d’amis », janvier 2022. Enquête menée auprès d’un échantillon de 1 007 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

[2] Ifop, étude « Le regard des Français sur la loi contre la maltraitance animale et la place de ce sujet dans les débats de l’élection présidentielle de 2022 » réalisée pour Woopet. L’étude a été menée par questionnaire auto-administré en ligne du 14 au 16 septembre 2021 auprès d’un échantillon de 1 014 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

[3] Aurélien Miralles, Michel Raymond, Guillaume Lecointre, « Empathy and compassion toward other species decrease with evolutionary divergence time », Scientific Reports, vol. 9, n° 1, 2019.

[4] Var-Matin, « Après plus de huit heures d’efforts, les pompiers sauvent la vie d’un petit âne tombé dans un trou », 10 décembre 2023.

[5] Le Matin Dimanche, n° 19934, p. 15, 3 décembre 2023.

[6] Ibid, p. 17.