International

Macron ou la catastrophe africaine

Anthropologue

En choisissant, en réactions aux coups d’états, de punir les populations sahéliennes – notamment en coupant nette toute aide humanitaire et au développement – le Président Macron se trompe de cible et fait le jeu des militaires au pouvoir au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Il ajoute ainsi au ressentiment envers la France au sein de l’opinion publique africaine, et perpétue une politique diplomatique désastreuse.

Une des raisons les plus fréquemment avancées (elle est par ailleurs fort plausible) de la très surprenante décision de Macky Sall de repousser l’élection présidentielle au Sénégal est le piètre score prédit à son candidat (et premier ministre en exercice) Amadou Ba.

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La France n’y est peut-être pas pour rien, un impair de plus ! La réception ostensible à Paris, en décembre dernier, du premier ministre sénégalais par Elisabeth Borne est à mettre en effet au compte des nombreuses gaffes contre-productives qui émaillent la politique africaine d’Emmanuel Macron. Afficher le soutien de la France à un candidat à la Présidence dans un pays africain est probablement le meilleur moyen de faire baisser immédiatement sa côte de popularité. Lionel Zinsou en sait quelque chose : sa proximité avec Macron l’a discrédité lors de l’élection présidentielle au Bénin en 2016.

Mais il y a bien plus grave. C’est la politique africaine tout entière d’Emmanuel Macron qui est inconséquente et calamiteuse. L’un de ses échecs majeurs, tout récent, est sans nul doute d’avoir décidé de « punir » les auteurs de coups d’Etat au Mali, Burkina Faso et Niger en « punissant » les peuples de ces pays. Cette attitude n’est pas sans rappeler celle de De Gaulle envers la Guinée lorsque celle-ci sous l’impulsion de Sékou Touré répondit majoritairement « non » au référendum de 1958 sur l’adhésion à la « Communauté française » et choisit l’indépendance immédiate. Furieux autant que vexé par ce camouflet, De Gaulle mit fin sur le champ à toute présence française en Guinée, créant une crise économique brutale, précipitant le pays dans les bras de l’URSS et contribuant ainsi à la montée en puissance de la longue dictature paranoïaque de Sékou Touré. Cette décision néfaste fut pour beaucoup dans la popularité de ce dernier parmi les opinions publiques africaines.

En outre, le caractère personnel et purement émotionnel de la réaction gaullienne apparait a posteriori comme d’autant plus vain et contre-p


[1] Toutefois il n’est pas allé jusqu’à partager avec les pays concernés le choix et la nomination des membres de ces commissions, ce qui limite leur portée.

[2] Bien évidemment les régimes militaires ont leur part de responsabilité, qui est grande, dans la rupture. Mais pourquoi diable les avoir à ce point provoqués, suivis et confortés sur ce terrain, qui leur est favorable ?

[3] Cette catégorie est d’ailleurs promise à la disparition dans la réforme que Macron impose au quai d’Orsay contre l’avis, quasi unanime, des professionnels du secteur.

[4] On se rappelle sa proposition absurde et tirée de son chapeau, à la consternation des diplomates, de constituer avec les pays arabes une grande coalition contre le Hamas à l’image de celle contre Daesch.

Jean-Pierre Olivier de Sardan

Anthropologue, directeur de recherche émérite au CNRS et directeur d’études à l’EHESS

Notes

[1] Toutefois il n’est pas allé jusqu’à partager avec les pays concernés le choix et la nomination des membres de ces commissions, ce qui limite leur portée.

[2] Bien évidemment les régimes militaires ont leur part de responsabilité, qui est grande, dans la rupture. Mais pourquoi diable les avoir à ce point provoqués, suivis et confortés sur ce terrain, qui leur est favorable ?

[3] Cette catégorie est d’ailleurs promise à la disparition dans la réforme que Macron impose au quai d’Orsay contre l’avis, quasi unanime, des professionnels du secteur.

[4] On se rappelle sa proposition absurde et tirée de son chapeau, à la consternation des diplomates, de constituer avec les pays arabes une grande coalition contre le Hamas à l’image de celle contre Daesch.