Hommage

Pour Hountondji

Juriste

La récente disparition du philosophe béninois Paulin Hountondji survient dans un climat politique africain troublé par des coups d’État et l’instauration de régimes militaires, soulignant l’écho que son œuvre peut avoir. En tant qu’intellectuel engagé, il a en effet profondément scruté et contesté les mécanismes de pouvoir et les pulsions autoritaires contemporaines. Sa perte nous appelle à redoubler d’efforts pour comprendre et poursuivre le dialogue critique qu’il a mené tout au long de sa vie, face aux défis politiques actuels en Afrique.

Le philosophe Paulin Hountondji nous a quittés le 2 février dernier. L’exploration et la critique de sa pensée n’en sont encore qu’à leurs balbutiements. Sans conteste, plusieurs aspects du personnage coexistent : à la fois intellectuel, militant, protestant, universitaire, etc. Pour ce qu’il représente et ce qu’il incarne dans le champ philosophique (un des premiers philosophes post-indépendance proposant une pensée philosophique répondant aux préoccupations africaines), il m’a paru important de revenir sur certains aspects négligés du Hountondji intellectuel dans l’espace public africain.

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Sa pratique philosophique n’a, de ce point de vue, rien de désincarné ; elle englobe des thématiques aussi diverses que la critique des régimes autoritaires, l’extraversion de la production scientifique ou la philosophie des droits de l’homme. Ces différents aspects de sa production universitaire s’enracinent dans un vécu et dans des débats généralement ignorés ou passés sous silence en Occident[1].

Influences

Hountondji est né en 1942 à Treichville, en Côte-d’Ivoire, avant d’effectuer sa scolarité à Savè et Sakété (respectivement dans le centre et le sud-est du Dahomey) puis le lycée Victor Ballot à Porto-Novo alors colonie du Dahomey ; après son admission au lycée Henri IV, il entre à l’école normale supérieure. Dans l’ouvrage Combats pour le sens, synthèse de son doctorat d’État, Hountondji raconte cette période et les influences qui furent les siennes, à travers les séminaires de Derrida et Althusser[2] ; ces influences posent chez lui les bases d’un marxisme hétérodoxe. Après l’obtention de son agrégation de philosophie en 1966, Hountondji hésite à s’engager dans une thèse de doctorat, d’abord sous la direction de Canguilhem (La théorie du rapport entre structure sociale et genèse de l’esprit scientifique depuis le début du XIXe siècle) puis de Balandier (Recherche critique sur le statut épistémologique de l’ethnologie).

On voit poindre avec ce dernier sujet la cha


[1]  J’ai eu l’occasion d’évoquer cette question liée aux dangers d’une reconstruction de pensées africaines « hors-sol » : L. Zevounou, « Produire des savoirs “africains” Réflexions à partir du CODESRIA », Revue d’anthropologie des connaissances, 14-2/2020 : http://journals.openedition.org/rac/6102

On renvoie, sur les quelques textes parus à propos de Hountondji à : S. Bachir Diagne, « Paulin Hountondji sur la philosophie africaine », Bulletin du Codesria, 14 févr. 2024 ; M. El Hady Ba, « Paulin Hountondji, le penseur qui a défriché la réflexion sur la philosophie africaine », The Conversation, 7 févr. 2024: https://theconversation.com/paulin-hountondji-le-penseur-qui-a-defriche-la-reflexion-sur-la-philosophie-africaine-222722 (consulté le 3 mars 2024).

[2] P. Hountondji, Combats pour le sens. Un itinéraire Africain, Bamenda, Langaa Research & Publishing, 2013, p. 3-10.

[3] P. Tempels, La philosophie Bantoue, Paris, Présence Africaine, 1949, (préface A. Diop) ; M. Griaule, Dieu d’eau, Entretiens avec Ogotemmêli, Paris, Arthème Fayard, 1966.

[4] P. Hountondji, Combats pour le sens. Un itinéraire Africain, op.cit., p. 80.

[5] Ce thèse publiée sous le titre Combats pour le sens. Un itinéraire Africain, op.cit., rassemble et fait le point sur plusieurs travaux antérieurs.

[6] Présence Africaine, « Dossier philosophique », n°66, 1968, p. 3. Cette rubrique accueille entre autres, les textes de Fabien Eboussi, Guy Hazoumè, Joseph Babalola Olabiyi Yaï, Ali Mazrui et Roger Bastide.

[7] E. K. Sedegan, O. D. Allocheme, Histoire des coups d’État au Dahomey (1963-1972), Paris, L’Harmattan, 2021, coll. « Études africaines ».

[8] P. Hountondji, « Qu’est-ce qu’une révolution ? », Daho-Express, numéro du 21 novembre 1972, republié dans un ensemble de textes intitulé : Libertés : contribution à la révolution dahoméenne, (préface G-L. Hazoumè), éd. Renaissance, 1973, p. 17-30.

[9] P. Hountondji, Qu’est-ce qu’une révolution ? Daho-Express, op.cit., p. 18.

[10] F. Eboussi-Boulaga, « Le

Lionel Zevounou

Juriste, Maître de conférences en droit public à l'Université Paris Nanterre

Notes

[1]  J’ai eu l’occasion d’évoquer cette question liée aux dangers d’une reconstruction de pensées africaines « hors-sol » : L. Zevounou, « Produire des savoirs “africains” Réflexions à partir du CODESRIA », Revue d’anthropologie des connaissances, 14-2/2020 : http://journals.openedition.org/rac/6102

On renvoie, sur les quelques textes parus à propos de Hountondji à : S. Bachir Diagne, « Paulin Hountondji sur la philosophie africaine », Bulletin du Codesria, 14 févr. 2024 ; M. El Hady Ba, « Paulin Hountondji, le penseur qui a défriché la réflexion sur la philosophie africaine », The Conversation, 7 févr. 2024: https://theconversation.com/paulin-hountondji-le-penseur-qui-a-defriche-la-reflexion-sur-la-philosophie-africaine-222722 (consulté le 3 mars 2024).

[2] P. Hountondji, Combats pour le sens. Un itinéraire Africain, Bamenda, Langaa Research & Publishing, 2013, p. 3-10.

[3] P. Tempels, La philosophie Bantoue, Paris, Présence Africaine, 1949, (préface A. Diop) ; M. Griaule, Dieu d’eau, Entretiens avec Ogotemmêli, Paris, Arthème Fayard, 1966.

[4] P. Hountondji, Combats pour le sens. Un itinéraire Africain, op.cit., p. 80.

[5] Ce thèse publiée sous le titre Combats pour le sens. Un itinéraire Africain, op.cit., rassemble et fait le point sur plusieurs travaux antérieurs.

[6] Présence Africaine, « Dossier philosophique », n°66, 1968, p. 3. Cette rubrique accueille entre autres, les textes de Fabien Eboussi, Guy Hazoumè, Joseph Babalola Olabiyi Yaï, Ali Mazrui et Roger Bastide.

[7] E. K. Sedegan, O. D. Allocheme, Histoire des coups d’État au Dahomey (1963-1972), Paris, L’Harmattan, 2021, coll. « Études africaines ».

[8] P. Hountondji, « Qu’est-ce qu’une révolution ? », Daho-Express, numéro du 21 novembre 1972, republié dans un ensemble de textes intitulé : Libertés : contribution à la révolution dahoméenne, (préface G-L. Hazoumè), éd. Renaissance, 1973, p. 17-30.

[9] P. Hountondji, Qu’est-ce qu’une révolution ? Daho-Express, op.cit., p. 18.

[10] F. Eboussi-Boulaga, « Le