Société

La Ciivise : d’un travail remarquable à son effondrement

Pédagogue

Nommée à la suite du refus du gouvernement de maintenir le Juge Durand en poste, la Ciivise 2 n’aura vécu que quelques semaines. Cet effondrement n’est pas que la conséquence de la désastreuse communication et des conflits entre membres mais aussi d’une personnalisation excessive de la première Ciivise et de manques dans son rapport de 700 pages publié en octobre 2023.

Les travaux de la Ciivise se sont achevés en octobre 2023 par la publication d’un rapport de plus de 700 pages. Cette commission a éveillé chez les victimes un espoir fou : celui d’être entendu, chez moi un souhait : celui que les violences notamment sexuelles faites aux enfants soient enfin un sujet de société et que chacun se rende compte des traumatismes que vivent les victimes.

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En 2005, je suis tiré au sort pour être juré d’assises. Lors de la session, je suis trois fois juré notamment sur deux affaires de viol sur mineurs. Lors des délibérés, je suis effaré par la teneur des débats, les échanges et les propos tenus par mes co-jurés hommes comme femmes. Il faudra une présidente de cour d’assises engagée pour que dans l’un des dossiers la faute ne soit pas renvoyée sur la petite fille victime qui « aurait provoqué ». Le violeur prendra 7 ans… que 7 ans.

Ces délibérés, dont on ne peut pas parler, ont profondément changé mon regard sur la manière dont la société regarde et agit sur les violences sexuelles faites aux enfants. Ce type de procès est pourtant très rare, 97% des plaintes déposées pour violences sexuelles sont classées sans suite rappelle la Ciivise. Voilà bien l’objet premier qui justifiait de l’existence de cette commission : comment faire aboutir les plaintes, condamner les agresseurs, violeurs et protéger les enfants victimes. Ces délibérés d’assises qui ont 20 ans maintenant m’avaient démontré que le travail allait être long et compliqué, qu’il fallait agir au quotidien dans les institutions qui accueillent des enfants, que prendre soin des enfants relevait d’une action politique et donc pédagogique.

La Ciivise portait donc l’espoir des victimes, d’abord d’être entendues et écoutées puis de pouvoir faire des propositions qui permettraient d’améliorer les choses, le droit pour que agresseurs et violeurs se retrouvent face à un tribunal, la protection des enfants et le changement du regard sociétal sur les violences sexuelles faites aux mine


Jean-Michel Bocquet

Pédagogue, Enseignant à l'université Sorbonne Paris Nord, directeur du Mouvement rural de jeunesse chrétienne