Humanitaire et démocraties libérales
Dans un article pour AOC paru le 25 mars, l’historien Joël Glasman sonne le glas de l’alliance de l’aide humanitaire avec le libéralisme, faisant du conflit à Gaza un « point de bascule » dans l’histoire de ces relations.

Pour Glasman, le soutien des gouvernements occidentaux à un gouvernement responsable d’avoir « tué des dizaines de milliers de civils, utilisé la faim comme arme de guerre et abattu plus d’une centaine de travailleurs humanitaires » marquerait la fin d’une période de trente ans au cours de laquelle « mondialisation libérale et humanitaires marchaient main dans la main ».
Autant le dire tout de suite, je partage en partie le diagnostic de l’auteur : il y a bien quelque chose de la fin d’une ère dans ce que nous observons. Pour autant, il me semble que le texte de Joël Glasman comporte des imprécisions chronologiques importantes, et que les implications de cette configuration nouvelle peuvent à la fois être plus significatives encore que ce qu’il suggère, et surtout, bien différentes.
Dès la fin des années 1970 et le début des années 1980, les organisations humanitaires françaises, en plein essor, se sont fait pour les plus importantes et visibles d’entre elles, les vecteurs d’une critique frontale des régimes totalitaires pro-soviétiques, marquant une alliance de fait avec les démocraties occidentales. Les dirigeants et / ou fondateurs de Médecins sans frontières (Rony Brauman et Claude Malhuret), Action internationale contre la faim (Bernard-Henri Levy), Médecins du Monde (Bernard Kouchner) ont chacun développé plusieurs critiques radicales des régimes selon eux responsables de la formation de l’immense majorité de la population réfugiée et des crises nécessitant une intervention humanitaire. La Marche pour la survie du Cambodge organisée en décembre 1979 avec l’International Rescue Committee, une organisation américaine souvent considérée comme une officine de la CIA, pour protester contre la famine et le détournement de l’assistance hum