Aoua Kéita ou le vocabulaire de la libération
Mon objectif en écrivant Imaginer la libération – Des femmes noires face à l’empire[1] était d’examiner les visions politiques des femmes noires francophones à une époque particulièrement volatile où la République française redéfinissait activement à la fois son identité nationale et la configuration de son empire. Pour les sept femmes dont les portraits sont faits dans le livre – Suzanne Césaire, Paulette Nardal, Eugénie Éboué Tell, Jane Vialle, Andrée Blouin, Aoua Kéita et Eslanda Robeson – la Seconde Guerre mondiale avait fourni une ouverture pour interpeller la France sur les continuités entre la répression politique et la violence du temps de guerre, et l’oppression et la mort que le pouvoir impérial infligeait depuis longtemps à ses colonies.

Elles étaient convaincues que pour que la France soit véritablement à la hauteur de ses valeurs républicaines égalitaires, elle devait se débarrasser à la fois du fascisme et du colonialisme comme deux maux étroitement liés. Les sept femmes ont entrepris la démarche à la citoyenneté, et y ont accédé de diverses manières, en utilisant celle-ci comme un outil essentiel pour atteindre cet objectif.
Dans l’univers académique américain, les lecteurs d’Imaginer la libération lisent souvent le texte pour Suzanne Césaire. Césaire a été ma propre entrée dans ce travail, et longtemps après la publication du livre, elle continue de fournir des perspectives théoriques pour mon engagement dans les questions de la dissidence politique, de la citoyenneté, et d’expression littéraire qui sont au cœur de cette étude. Contrairement à l’approche de l’audience américaine, les lecteurs d’Imaginer la libération que j’ai rencontrée dans des librairies en France et en Belgique durant l’été de 2023 étaient plus enthousiastes pour Aoua Kéita. Je me demande pourquoi Kéita ?
J’ai toujours considéré « Aoua Kéita : les femmes rurales et le mouvement anticolonial dans Femme d’Afrique : La vie d’Aoua Kéita racontée par elle-même » comme le chap