La « Neuvième » de Beethoven, entre l’Utopie et l’État
Les commémorations sont des événements historiques indépendamment de leur contenu réel, car elles favorisent l’élaboration collective du sens des œuvres d’art, moyennant des rituels tels que des performances spéciales comme celle de mardi prochain, et des colloques scientifiques comme celui-ci. C’était déjà le cas en 1924 pour le premier Centenaire de la Neuvième Symphonie de Beethoven, avec de nombreuses manifestations en Allemagne, en France et dans d’autres pays. Et ce ne fut là qu’un prélude au Centenaire de la mort du compositeur en 1927, sans doute le premier événement global consacré à Beethoven. Nous voici donc réunis à mi-chemin entre l’étrange commémoration de 2020, entachée par la pandémie de Covid-19 et pourtant significative à sa manière, et le Bicentenaire à venir de 2027, dont il vaut mieux ne rien dire, tant l’avenir est devenu imprévisible !

C’est aussi le Bicentenaire de l’Akademie de Beethoven qui a eu lieu le 7 mai 1824 au Kärtnerthortheater de Vienne, et je remercie Christine Siegert et Birgit Lodes de m’avoir invité à réfléchir aux processus de community building dans ce contexte. Ce jour-là, l’ouverture Die Weihe des Hauses op. 124, le « Kyrie », le « Credo » et l’« Agnus Dei » de la Missa Solemnis op. 123, et bien sûr la Neuvième Symphonie op. 125, ont permis aux spectateurs de vivre une expérience esthétique individuelle qui incluait une expérience partagée de la construction en temps réel d’une communauté.
« Rekonstruiren wie ich Beethoven als Kind gehört habe », « Reconstruire comment j’ai entendu Beethoven dans mon enfance », c’est la toute première phrase du livre inachevé de Theodor W. Adorno sur le compositeur. À sa suite, j’aimerais vous faire entendre un instant de ce disque français que j’écoutais quand j’avais sept ou huit ans, La vie de Ludwig van Beethoven racontée aux enfants, qui avec les voix de Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault évoquait pathétiquement le moment où la chanteuse Karoline Unger « prend Beethoven