La citoyenneté acteur-réseau
Dans sa préface au Public fantôme, Bruno Latour assume le diagnostic de Walter Lippmann : « Lippmann ne désespère pas du public mais il ne l’idéalise pas non plus […] : oui, c’est bien le public qui doit s’emparer des problèmes puisque tous les autres ont failli ; oui, le public doit résoudre l’affaire malgré toute son incompétence, sa fragilité et son amateurisme. Mais il est à la fois inutile et dangereux de lui prêter des vertus qu’il n’aura jamais : on l’empêcherait de remplir son rôle de juge en dernière instance. Toute la dureté de Lippmann vient de là : rien ne rendra le public compétent et pourtant personne ne viendra le remplacer ; il est en dernier appel et il est incapable[1]. »

Il l’assume, mais à la condition de penser, aussi, avec John Dewey qui, en réaction au Public fantôme, avance que les publics s’auto-instituent constamment à partir d’un problème partagé qui les affecte, et qui les conduit à chercher des solutions en adoptant les attitudes expérimentales de l’enquête[2]. En s’inspirant à la fois de John Dewey et de Walter Lippmann, Bruno Latour a transformé son livre Où Atterrir ? Comment s’orienter en politique[3] en Consortium, puis en dispositif pratique de politisation citoyenne par l’enquête. Un dispositif vers lequel j’ai décidé de bifurquer en septembre 2021, parce que le travail de recherche que je réalisais à ce moment-là dans un programme municipal m’y a mené. Une expérience de plus de deux ans au cours de laquelle j’ai pu documenter ses méthodes, son histoire (notamment en partant à la rencontre de ses premiers artisans), sa philosophie, de même que ses premiers effets. Je voudrais ici essayer de traduire la teneur « acteur-réseau » du dispositif Où Atterrir ?
En commençant toutefois par rappeler l’un des propos centraux du livre Où Atterrir ?, à savoir que l’horizon moderne de la globalisation ne repose plus sur aucune réalité terrestre, sur aucun monde habitable viable. La Révolution industrielle a progressivement permis le