Les testicules du castor : du néolibéralisme au fascisme ?
« Le castor, poursuivi par des chasseurs qui veulent lui arracher les testicules, d’où l’on extrait des médicaments, s’arrache lui-même les testicules pour sauver sa vie »[1].
Comme le castor, le bloc néolibéral est pragmatique. Entre sa vie et ses testicules, il n’hésitera jamais à sacrifier les secondes pour préserver ce qu’il peut de la première. Antonio Gramsci en avait parfaitement conscience et c’est à ce titre qu’il a fait mention de cette fable d’Ésope dans le troisième de ses cahiers de prison.

Il en avait lui-même fait l’expérience directe, quand la bourgeoisie italienne acculée, prise en étau entre le bouillonnement ouvrier du Biennio Rosso et la montée en puissance du fascisme, choisit de livrer les clés du régime parlementaire transalpin aux forces réactionnaires. Politiquement, le fascisme vient à l’existence à ce moment-là, quand la bourgeoisie accepte de pactiser, d’abandonner son rôle de direction politique effective, afin de préserver une part de ses aspirations hégémoniques. En ce sens, Gramsci nous dit que le fascisme historique comme les formules fascistes qui continuent de surgir ne sont pas des phénomène naturels ou culturels propres à un peuple ou un autre ; ce sont des produits sociaux, les résultantes d’un ensemble de conditions qui se cristallisent dans l’indignité humaine et politique des classes dirigeantes[2].
Nous vivons un moment de ce type. Comme lors de l’entre-deux-guerres, la classe bourgeoise est en pleine désintégration hégémonique, elle est « “saturée” : non seulement elle ne s’élargit plus, mais elle se désagrège ; non seulement elle n’assimile pas de nouveaux éléments, mais elle perd une partie d’elle-même »[3]. Est-elle donc mûre pour la castration volontaire ? La dissolution de l’Assemblée nationale prononcée par Emmanuel Macron en réponse à la déroute de son camp aux élections européennes semble l’indiquer.
Dans le meilleur des cas, cette décision traduit une cécité incommensurable au sentiment de détestation que