Société

Logement : la « mixité sociale » nuit aux classes populaires racisées

Géographe

Alors qu’un nouveau projet de loi sur le logement était en cours d’examen avant la dissolution, proposant notamment la remise en cause de la loi SRU, de nombreux chercheurs se sont mobilisés pour en dénoncer le contenu. Il est pourtant utile de montrer les limites et les effets pervers de la loi SRU et de son principal objectif : la « mixité sociale ».

Avant la dissolution de l’Assemblée nationale, le gouvernement Attal proposait d’assouplir la contrainte légale qui oblige les communes des grandes agglomérations à se doter d’au moins 25 % de logements sociaux[1]. Le projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables visait à développer le logement intermédiaire – qui n’est pas du logement social –, accessible à des ménages bien au-dessus des plafonds d’accès à ce dernier, et à inclure ce type de logements dans l’obligation des 25 % pour les communes carencées…Autrement dit pour les communes qui rechignent depuis vingt ans à créer les logements sociaux manquants.

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Pour les logements sociaux nouvellement créés par les communes, le projet de loi prévoyait d’accroître encore le pouvoir des maires dans les attributions, renforçant de fait la « préférence communale » constatée par les chercheurs[2] (une préférence qui fait obstacle au relogement des ménages reconnus comme prioritaires par la procédure du droit au logement opposable[3]).

Ce projet, porté par le ministre délégué au logement Guillaume Kasbarian, proposait un assouplissement des procédures préalables à la mise de nouveaux logements en chantier, et encourageait les bailleurs sociaux à développer l’offre de logement intermédiaire ou à augmenter les loyers dans le parc social. Ce projet de libéralisation du secteur du logement, y compris du logement social, ne répondait à aucun des besoins sociaux identifiés par les associations œuvrant pour le droit au logement. Pour celles et ceux qui peinent à payer leur loyer, la loi Kasbarian-Bergé de 2023[4] prévoyait déjà des amendes et une réduction des délais d’expulsion en les traitant comme des squatteurs.

Si la dissolution de l’Assemblée nationale a de fait mis un coup d’arrêt à la procédure législative, l’avenir du secteur du logement va dépendre fortement de l’issue des élections législatives des 30 juin et 7 juillet prochains. On le sait, ce projet a fait l’unanimité contre lui de


[1] Cette contrainte légale existe depuis la loi Solidarité et renouvellement urbain de 2000 et était d’abord fixée à 20 %. La loi Duflot 1 de 2013 a fait passer cet objectif à 25 % (loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social).

[2] Fabien Desage, « 20 % de logements sociaux minimum, mais pour qui ? La loi SRU à l’épreuve de la “préférence communale” », Savoir/Agir, 2013/2 (no 24), p. 35-40.

[3] Le droit au logement opposable instauré par la loi en 2007 reconnaît le droit à un logement décent et indépendant à toute personne qui n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir. Il permet aux personnes concernées d’effectuer un recours contre l’État et d’être reconnues comme prioritaires pour l’accès au logement social.

[4] Loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite.

[5] 132 chercheurs et chercheuses ont signé une tribune.

[6] Kévin Beaubrun-Diant, Tristan-Pierre Maury, « 20 ans après, la loi SRU produit une mixité de façade », Institut des hautes études pour l’action dans le logement.

[7] Fondation Abbé Pierre, « Loi SRU : 659 communes hors-la-loi ».

[8] Voir notamment Sylvie Tissot, « Une “discrimination informelle” ? Usages du concept de mixité sociale dans la gestion des attributions de logements HLM », Actes de la recherche en sciences sociales, 2005/4, no 159, p. 54-69.; Collectif API, Vincent Béal, Marine Bourgeois, Rémi Dormois, Yoan Mio,t Gilles Pinson, Valérie Sala Pala, « Sous la mixité sociale, la race : les impasses renouvelées d’une politique publique », Terrains & travaux, 2021/2 (no 39), p. 215-237.

[9] Le logement très social renvoie au PLAI. Les plafonds de ressources correspondent à 14 329 € par an pour une personne seule en 2024.

[10] C’était vrai déjà aux débuts du peuplement des grands ensembles d’habitat social, comme le montre le célèbre article de Jean-Claude Chamboredon et Madeleine

Anne Clerval

Géographe, Maitresse de conférences à l'Université Gustave Eiffel (Marne-la-Vallée)

Notes

[1] Cette contrainte légale existe depuis la loi Solidarité et renouvellement urbain de 2000 et était d’abord fixée à 20 %. La loi Duflot 1 de 2013 a fait passer cet objectif à 25 % (loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social).

[2] Fabien Desage, « 20 % de logements sociaux minimum, mais pour qui ? La loi SRU à l’épreuve de la “préférence communale” », Savoir/Agir, 2013/2 (no 24), p. 35-40.

[3] Le droit au logement opposable instauré par la loi en 2007 reconnaît le droit à un logement décent et indépendant à toute personne qui n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir. Il permet aux personnes concernées d’effectuer un recours contre l’État et d’être reconnues comme prioritaires pour l’accès au logement social.

[4] Loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite.

[5] 132 chercheurs et chercheuses ont signé une tribune.

[6] Kévin Beaubrun-Diant, Tristan-Pierre Maury, « 20 ans après, la loi SRU produit une mixité de façade », Institut des hautes études pour l’action dans le logement.

[7] Fondation Abbé Pierre, « Loi SRU : 659 communes hors-la-loi ».

[8] Voir notamment Sylvie Tissot, « Une “discrimination informelle” ? Usages du concept de mixité sociale dans la gestion des attributions de logements HLM », Actes de la recherche en sciences sociales, 2005/4, no 159, p. 54-69.; Collectif API, Vincent Béal, Marine Bourgeois, Rémi Dormois, Yoan Mio,t Gilles Pinson, Valérie Sala Pala, « Sous la mixité sociale, la race : les impasses renouvelées d’une politique publique », Terrains & travaux, 2021/2 (no 39), p. 215-237.

[9] Le logement très social renvoie au PLAI. Les plafonds de ressources correspondent à 14 329 € par an pour une personne seule en 2024.

[10] C’était vrai déjà aux débuts du peuplement des grands ensembles d’habitat social, comme le montre le célèbre article de Jean-Claude Chamboredon et Madeleine