Politique

Recherche assesseurs (désespérément)

Historien, Politiste

Dans un moment d’incandescence électorale inédit, les sondages et les stratégies partisanes ne cessent d’occuper les devants de la scène. Dimanche prochain, comme dimanche dernier, ce sont pourtant les « petites mains » de la démocratie qui feront tourner la tuyauterie républicaine. Que disent les assesseurs d’un processus de « managérialisation » de la démocratie électorale ?

La séquence des élections législatives ouvre de nouveau le grand bal de la recherche du personnel des bureaux de vote. Lundi 11 juin, suite à la dissolution prononcée la veille, l’Association des maires de France alertait sur les difficultés d’organisation du scrutin.

publicité

On l’oublie trop souvent : la « tuyauterie démocratique » sans laquelle les opérations électorales ne seraient pas possibles est une longue chaîne d’opérations et de décisions, d’acteurs (services des élections, assesseurs, scrutateurs, agents des services techniques pour l’installation des bureaux de vote, services des préfectures…), de dispositifs (urnes, isoloirs, machines à voter…) et de réglementations (droit électoral). Les « petites mains de la démocratie » en forment les chevilles ouvrières. Fréquemment invisibles, elles « font l’actualité » de façon récurrente depuis la crise sanitaire au point que les élections départementales et régionales de 2021 ont mis à l’agenda médiatique la crise de l’assessorat[1].

La crise de l’assessorat renvoie inexorablement à la crise de la démocratie : du moins est-ce ainsi qu’elle est systématiquement présentée. Rémi Lefebvre la stylisait déjà dans un article de Libération publié il y a trois ans sous le titre « le blues de l’assesseur »[2]. Les assesseurs ont-ils (vraiment) le blues ? La campagne des législatives actuelles semble l’entériner plus que jamais. C’est pourtant peut-être moins d’un blues que d’une désertion dont il s’agit, si l’on s’en tient à l’entreprise de séduction qui gagne un peu partout des municipalités déployant désormais de véritables stratégies de séduction à destination des citoyens (« enfin une bonne excuse pour ne pas aller courir dimanche matin. Devenez assesseur pour l’un de nos bureaux de vote ! », suggérait sur Twitter la ville de Lyon en 2022).

Une démocratie sur le fil : telle est bel et bien notre démocratie qui ne saurait fonctionner sans de gros moyens logistiques et un personnel appelé à tenir deux dimanches de sui


[1] Parmi les nombreux articles et reportages, on citera : « La bonne tenue des élections régionales et départementales fragilisée par la pénurie d’assesseurs », Le Monde, 31/05/2021 ; « Pénurie d’assesseurs à un mois des élections départementales et régionales », BFM, 28/05/2021 ; « Élections 2021 : branle-bas de combat pour trouver des assesseurs », Le Télégramme, 03/06/2021).

[2] Près de 84 % des inscrits ont voté au moins à une reprise au cours de la séquence des présidentielles/législatives de 2022.

[3] Les montants des rémunérations pour les élections départementales et régionales de 2021 étaient les suivants : président : 306 € brut pour la journée / 169 € pour la demi-journée ; secrétaire : 270 € brut pour la journée / 156 € pour la demi-journée ; assesseur bureau centralisateur : 170,50 € brut pour la journée / 115,50 € pour la demi-journée ; assesseur bureau simple : 159,5 € brut pour la journée / 104,50 € pour la demi-journée ; agent d’accueil : 176 € brut pour la journée / 115,50 € pour la demi-journée.

[4] Courrier Picard, 02/05/2024.

Laurent Le Gall

Historien, Professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Brest

Sébastien Vignon

Politiste, Maître de conférences en science politique à l’Université de Picardie

Rayonnages

PolitiqueÉlections

Mots-clés

Démocratie

Notes

[1] Parmi les nombreux articles et reportages, on citera : « La bonne tenue des élections régionales et départementales fragilisée par la pénurie d’assesseurs », Le Monde, 31/05/2021 ; « Pénurie d’assesseurs à un mois des élections départementales et régionales », BFM, 28/05/2021 ; « Élections 2021 : branle-bas de combat pour trouver des assesseurs », Le Télégramme, 03/06/2021).

[2] Près de 84 % des inscrits ont voté au moins à une reprise au cours de la séquence des présidentielles/législatives de 2022.

[3] Les montants des rémunérations pour les élections départementales et régionales de 2021 étaient les suivants : président : 306 € brut pour la journée / 169 € pour la demi-journée ; secrétaire : 270 € brut pour la journée / 156 € pour la demi-journée ; assesseur bureau centralisateur : 170,50 € brut pour la journée / 115,50 € pour la demi-journée ; assesseur bureau simple : 159,5 € brut pour la journée / 104,50 € pour la demi-journée ; agent d’accueil : 176 € brut pour la journée / 115,50 € pour la demi-journée.

[4] Courrier Picard, 02/05/2024.