Politique

Vertige de la dissolution : essai de politique (pas si) fiction

Anthropologue

De toute évidence, le Président avait effectué un léger bond dans le temps. Il était paniqué, sa respiration se faisait de plus haletante. Dans ce genre de situation, la thérapeute n’avait pas d’autre choix que d’amener son patient à aller plus profond encore. Avec toute l’expérience qu’elle avait accumulée, elle savait que l’Histoire ne se déroulait pas de façon linéaire, mais cyclique et qu’il fallait en avoir une vision plus spatiale que temporelle, tel un réservoir de possibilités latentes prêtes à se réactiver dès que les conditions d’une variante non encore expérimentée étaient réunies.

Une amie psychothérapeute m’a raconté la séance suivante qui s’est déroulée avec l’un de ses patients il y a à peine quelques jours. Le lecteur comprendra que la thérapeute préfère rester anonyme dans la mesure où son patient est issu des plus hauts sommets de l’État et qu’elle souhaite protéger aussi l’identité de ce dernier.

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La psychiatre en question se livre régulièrement à des séances d’hypnose régressive. Les tenants et les aboutissants de cette méthode ont été analysés dans un livre sorti récemment, Metavertigo, vertiges de l’humain augmenté par ses vies antérieures (La Découverte, 2024) que je ne peux que recommander au lecteur, car j’en suis l’auteur. Il s’agit d’un genre de thérapie tout à fait particulier, dite « brève » dans la mesure où une seule séance suffit ou quelques séances, à la différence d’une psychanalyse qui prend généralement des années.

Le principe est assez simple : la thérapeute invite son patient à fermer les yeux puis le plonge dans un état de relaxation suffisant pour ensuite déclencher en lui un processus de visualisation qui s’apparente à un genre de cinéma intérieur, un « cinéma sans projecteur, écran ni caméra » et dont on note au passage qu’il est complètement écologique dans la mesure où il ne requiert aucune technologie particulière et se déroule dans les tréfonds du cerveau. La thérapeute fait ensuite régresser son patient progressivement dans le temps, de son adolescence à son enfance jusqu’à la matrice maternelle et au-delà, dans ce que certains assimilent, sans doute par commodité de langage, à des « vies antérieures ».

La thérapeute m’a confié que son patient, qui se disait originaire d’Amiens et très attaché à ses origines, lui était apparu au premier contact d’un caractère impulsif, mais très joueur et qu’il souhaitait obtenir des résultats immédiats. Cela expliquait en partie pourquoi il s’était tourné vers elle. Il était mal à l’aise avec l’idée de s’engager dans un processus d’analyse de longue haleine.

Mais i


Emmanuel Grimaud

Anthropologue, directeur de recherche au CNRS (LESC-UMR7186)