Les eaux usées, nouvel outil pour la surveillance de masse
Quel résident français sait que l’usage de six drogues (cocaïne, cannabis, amphétamine, méthamphétamine, héroïne et ecstasy) est suivi annuellement et que les données sont disponibles en libre accès sur un site internet de l’Agence de l’Union européenne sur les drogues depuis 2011 ? Probablement personne ou presque. Pourtant, la publication d’une étude à l’échelle nationale en 2013 sur le sujet avait fait polémique et s’était accompagnée de réactions politiques outragées pour les agglomérations alors identifiées comme les plus consommatrices en certaines substances illicites.

Estimer des usages en produits illicites est, par nature, une gageure. Si des entretiens ou des estimations à partir des volumes saisis par les autorités sont classiquement utilisés, la quantification de l’usage de substances illicites reste relativement imprécise. Sur l’idée d’un éminent chimiste américain, Christian G. Daughton, les eaux usées ont été proposées en 2001 pour réaliser cette estimation collective. « Dites-moi ce que vous excrétez, je vous dirai ce que vous consommez » est une maxime classique dans les cercles médicaux.
En revanche, réaliser des estimations de consommation sur les usages de populations entières par le suivi des eaux usées brutes (non-traitées) est plus inédit. Un suivi du virus de la poliomyélite dans les eaux usées aux Pays-Bas avait bien été expérimenté à la fin des années 1960. Mais des expériences similaires demeuraient soit éparpillées géographiquement, soit peu suivies dans le temps, ce qui limitait leur portée en raison d’un désintérêt chronique des pouvoirs publics.
La pandémie de Covid-19 a généré un engouement international autour de cette approche. L’analyse rétrospective des eaux usées, notamment à Barcelone et à Milan, ayant démontré la présence de matériel génétique de Sars-Cov-2 dès la fin 2019, alors que les premiers cas ont été diagnostiqués début 2020. Cette capacité de l’eau usée à permettre une veille épidémique (dans la mesure où l’