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Exécutions extra-judiciaires : la vengeance contre le droit

Philosophe

L’attaque israélienne au Liban a déclenché une vague « d’exécutions extra-judiciaires », justifiées par une « guerre contre le terrorisme » s’affranchissant du droit. Dans cette logique de vengeance où le « terroriste » est exclu du champ juridique et politique, les objectifs des deux camps se rejoignent dans une symétrie troublante : à tout prix, ne pas faire la paix, et nier l’existence de l’autre comme être politique.

Le débat semble clos. Quand l’armée israélienne a déclenché sa contre-offensive contre le Hezbollah au Sud-Liban, elle a d’abord procédé massivement par « exécutions extra-judiciaires », ou, comme on dit encore, par « assassinats ciblés ». À ma connaissance, le recours à ce procédé n’a posé de problème à personne. Silence assourdissant.

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Après l’assassinat de Nasrallah, le président Biden, rappelant l’attentat perpétré par le Hezbollah contre des soldats américains en octobre 1983, a salué « une mesure de justice ». De fait, il parlait de vengeance. De fait, il tenait la vengeance pour la justice. Sans doute nous sommes-nous habitués.

Depuis les années 2000, Israël a multiplié ce type d’opération, à Gaza, en territoire libanais, en territoire syrien, en territoire iranien… Dans les années 2010, l’administration Obama en a fait de même, à grande échelle, en Afghanistan, au Pakistan et au Yémen. La capture et l’exécution de Ben Laden en furent l’apothéose. Le président Hollande a commandité lui aussi, comme il l’a évoqué, au moins un « assassinat ciblé ». Gages d’honorabilité ? Reste qu’à l’époque, dans la plupart des cas, ces opérations avaient suscité des débats, parfois vifs, quant à leur légitimité.

Apparemment, ce temps est révolu. C’est l’argument de la « lutte contre le terrorisme », inlassablement repris, qui a balayé les questions de droit, en un temps où, plus largement, le droit international semble en coma dépassé. Faut-il se résigner à cette défaite ? Faut-il admettre, sans s’en alarmer, que nous sommes entrés dans une ère où la force fait droit, où la vengeance pure est de retour ?

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, dès la conférence de Téhéran (novembre 1943), puis à Yalta (février 1945), les dirigeants alliés, Roosevelt, Staline et Churchill, avaient engagé des discussions sur la manière dont il faudrait « punir » les dirigeants nazis à la fin des hostilités. Dans un premier temps, Churchill et Roosevelt étaient partisans d’une exécution


Roland Schaer

Philosophe