Société

Santé mentale, Grande cause nationale

Psychiatre et écrivain

Tandis que les services publics psychiatriques sont détricotés par toujours plus de rigueur budgétaire et que les établissements de soins privés, eux, se consacrent aux marchés les plus lucratifs, élever avec Michel Barnier la santé mentale au statut de Grande cause nationale semble dramatiquement ironique. D’autant qu’elle recouvre une réalité également sociale et que la détresse mérite des réponses avant tout politiques.

«Nous ferons de la santé mentale la Grande cause nationale 2025 », a déclaré Michel Barnier le 1er octobre dernier, dans son discours de politique générale. Si cette courte phrase semble livrer un message clair, elle recèle des subtilités piégeuses. Observons tout d’abord que le Premier ministre a centré son discours sur le redressement des comptes publics sans pour autant faire de ce redressement une Grande Cause nationale. Cela doit nous mettre en alerte : que faut-il entendre derrière cette expression qui flatte l’oreille ? Une vraie volonté politique de changement ou une énième gesticulation à vide ?

publicité

Quelques pièges sémantiques

Le premier piège sémantique tient à l’idée commune selon laquelle la santé mentale représenterait le contraire de la maladie psychiatrique.

Du reste, l’Union nationale des amis et familles de personnes malades et/ou handicapées psychiques (UNAFAM), qui accorde sans doute une grande attention à ce dossier puisque la mère de Michel Barnier en présida la délégation départementale de Savoie, tombe immédiatement dans ce panneau en émettant le souhait que cette décision permette « un recours précoce aux soins ainsi qu’un accompagnement efficace pour le rétablissement des personnes vivant avec un trouble psychique ». Notons au passage que l’expression « trouble psychique » recouvre un autre chausse-trape dans la mesure où elle ne désigne plus une souffrance vague mais une maladie ou un syndrome psychiatrique, conformément au choix lexical très délibéré fait par les concepteurs du manuel diagnostique étatsunien Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (Diagnotic and Statistical Manual of Mental Deseases, DSM).

Dans le même mouvement que l’UNAFAM, l’association Premiers secours en santé mentale (PSSM) braque aussitôt le projecteur sur les malades psychiatriques confrontés à « des situations d’errance diagnostique, de retard d’accès aux soins, de traitements non adaptés et d’exclusion sociale et professionnelle ». Le site H


[1] Voir Tony Machado, La Prévention des risques psychosociaux. Concepts et méthodologies d’intervention, Presses universitaires de Rennes, 2015.

[2] Voir, d’une part, Jean-Paul Vincensini, « La Santé mentale et la psychiatrie en quelques chiffres », Actualité et dossier en santé publique, n° 15, juin 1996, p. 2 et, d’autre part, Les Patients suivis en psychiatrie, rapport de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), 2022, p. 115.

[3] Laquelle vote chaque année un objectif national de dépenses de l’Assurance maladie (ONDAM).

[4] Alain Lopez et Gaëlle Turan-Pelletier, Organisation et fonctionnement du dispositif de soins psychiatriques. Soixante ans après la circulaire du 15 mars 1960, rapport de l’inspection générale des Affaires sociales (IGAS), tome II, novembre 2017, p. 147 et p. 170.

Emmanuel Venet

Psychiatre et écrivain

Notes

[1] Voir Tony Machado, La Prévention des risques psychosociaux. Concepts et méthodologies d’intervention, Presses universitaires de Rennes, 2015.

[2] Voir, d’une part, Jean-Paul Vincensini, « La Santé mentale et la psychiatrie en quelques chiffres », Actualité et dossier en santé publique, n° 15, juin 1996, p. 2 et, d’autre part, Les Patients suivis en psychiatrie, rapport de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), 2022, p. 115.

[3] Laquelle vote chaque année un objectif national de dépenses de l’Assurance maladie (ONDAM).

[4] Alain Lopez et Gaëlle Turan-Pelletier, Organisation et fonctionnement du dispositif de soins psychiatriques. Soixante ans après la circulaire du 15 mars 1960, rapport de l’inspection générale des Affaires sociales (IGAS), tome II, novembre 2017, p. 147 et p. 170.