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La diplomatie culturelle, jusqu’où aller ?

Chercheur en sciences de l’information et de la communication

Où placer le curseur de la culture dans la diplomatie globale ? Une récente tribune du Monde a mis en cause des relations entre le régime chinois et certaines initiatives muséales françaises. Face à des régimes non démocratiques, faut-il maintenir le dialogue ? La diplomatie culturelle doit naviguer entre engagement et prudence, en intégrant les enjeux de pouvoir et d’influence tout en défendant nos valeurs démocratiques. Un art délicat, mais essentiel.

Jusqu’où coopérer culturellement avec le régime chinois ? Jusqu’où peut-on ou doit-on aller dans nos échanges culturels avec le parti-État chinois ?

C’est la question que pose la tribune intitulée « Des musées français courbent l’échine devant les exigences chinoises de réécriture de l’histoire » et récemment publiée dans Le Monde[1] par un collectif de chercheurs. Plus qu’une question, c’est une réponse qu’ils apportent : « Il est plus qu’urgent que nos institutions scientifiques et culturelles rejettent toute ingérence des régimes étrangers antidémocratiques. »

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Le collectif critique, à juste titre, la « suppression, dans le catalogue des objets tibétains du Musée du quai Branly, du nom « Tibet » au profit de l’appellation chinoise « région autonome du Xizang ». Ils rappellent également que le musée d’histoire de Nantes a refusé en 2020 toute collaboration avec le régime chinois qui demandait dans le cadre de son exposition sur Gengis Khan que son nom « soit effacé, tout comme l’histoire et la culture mongoles, au bénéfice du nouveau récit national » en contrepartie du prêt de pièces pour ladite exposition[2].

Ils posent finalement le sujet de la diplomatie culturelle, de son contenu et de ses limites. Jusqu’où aller ?

Comment résister aux manipulations, à la désinformation, aux pressions d’un régime autoritaire ?

En 2020, le journaliste Michel Guerrin expliquait déjà que « l’indignation peut être à géométrie variable dès lors que des investissements financiers sont en jeu ». « L’Occident doit-il boycotter culturellement la Chine ? » écrivait-il dans le quotidien Le Monde. Cette récente tribune du 31 août 2024 est malheureusement toujours d’actualité avec comme écho les propos d’Ai Weiwei, l’artiste opposant au régime chinois : « Si vous ne remettez pas en cause ce pouvoir, vous devenez complice ». Que doit-on faire ou plutôt que peut-on faire ? Et encore davantage en 2024.

Cette année est l’année du soixantième anniversaire de l’établissement des relatio


[1] Tribune publiée le 31 août 2024 sur le site du Monde. Voir les réponses du musée dans un article du Quotidien de l’art daté du 5 septembre 2024 et l’émission de « Questions du soir » de France Culture intitulée La France se laisse-t-elle influencer par la Chine dans le domaine culturel ? du 6 septembre 2024.

[2] Voir le rapport de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM) (2021), Les opérations d’influence chinoises. Un moment machiavélien (pp. 359-360) pour une analyse de cette affaire nantaise (et d’autres). Rapport égalemet édité en 2024 aux éditions des Équateurs.

[3] Dominique Wolton, Penser l’incommunication. Bordeaux, Éditions du bord de l’eau, 2024.

[4] David Colon, La Guerre de l’information. Les États à la conquête de nos esprits, Paris Tallandier, 2023.

[5] Les malversations de l’information, un défi pour nos démocraties (2018), rapport du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS, ministère de l’Europe et des Affaires étrangères) et de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM, ministère des Armées).

[6] Voir par exemple : Dominique Poulot, Bennett Mc Clellan, « Pouvoirs au musée », Perspective, pp. 29-40, 2012. La livraison « Le musée et le politique » dirigé par Dominique Poulot de la revue Culture & Musées de décembre 2016 ou encore « Géopolitique du musée : les enjeux de la fréquentation » de François Mairesse dans Politique et Sociétés, 2019, 38 (3), pp.103-127 ; Politique et gestion de la culture de Jean-Michel Tobelem, 2023, 4 édition, Armand Colin.

[7] Nicolas Peyre, « La mondialisation des marques muséales et la diplomatie d’influence. Le Centre Pompidou Málaga », Culture & Musées, n° 36, pp. 209-213, 2020.

[8] Voir l’ouvrage d’Alexandre Kazerouni sur ce sujet précis du Louvre Abu Dhabi et l’article de François Mairesse sur les rapports entre musées et diplomatie culturelle dans l’ouvrage collectif, Du rayonnement à l’influence. Histoire(s) de la diplomatie culturelle française,

Nicolas Peyre

Chercheur en sciences de l’information et de la communication , Titulaire de la chaire « Mobilité francophone » de l’université d’Ottawa

Notes

[1] Tribune publiée le 31 août 2024 sur le site du Monde. Voir les réponses du musée dans un article du Quotidien de l’art daté du 5 septembre 2024 et l’émission de « Questions du soir » de France Culture intitulée La France se laisse-t-elle influencer par la Chine dans le domaine culturel ? du 6 septembre 2024.

[2] Voir le rapport de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM) (2021), Les opérations d’influence chinoises. Un moment machiavélien (pp. 359-360) pour une analyse de cette affaire nantaise (et d’autres). Rapport égalemet édité en 2024 aux éditions des Équateurs.

[3] Dominique Wolton, Penser l’incommunication. Bordeaux, Éditions du bord de l’eau, 2024.

[4] David Colon, La Guerre de l’information. Les États à la conquête de nos esprits, Paris Tallandier, 2023.

[5] Les malversations de l’information, un défi pour nos démocraties (2018), rapport du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS, ministère de l’Europe et des Affaires étrangères) et de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM, ministère des Armées).

[6] Voir par exemple : Dominique Poulot, Bennett Mc Clellan, « Pouvoirs au musée », Perspective, pp. 29-40, 2012. La livraison « Le musée et le politique » dirigé par Dominique Poulot de la revue Culture & Musées de décembre 2016 ou encore « Géopolitique du musée : les enjeux de la fréquentation » de François Mairesse dans Politique et Sociétés, 2019, 38 (3), pp.103-127 ; Politique et gestion de la culture de Jean-Michel Tobelem, 2023, 4 édition, Armand Colin.

[7] Nicolas Peyre, « La mondialisation des marques muséales et la diplomatie d’influence. Le Centre Pompidou Málaga », Culture & Musées, n° 36, pp. 209-213, 2020.

[8] Voir l’ouvrage d’Alexandre Kazerouni sur ce sujet précis du Louvre Abu Dhabi et l’article de François Mairesse sur les rapports entre musées et diplomatie culturelle dans l’ouvrage collectif, Du rayonnement à l’influence. Histoire(s) de la diplomatie culturelle française,