Politique

La gauche entre régression néolibérale et obsession identitaire

Économiste

Le niveau électoral très faible de la gauche et son absence de progression réelle depuis 2017 impose une certaine lucidité. Pourquoi échoue-t-elle à convaincre ? Parce qu’elle la gauche a déçu une fois au pouvoir, n’ayant fait que fuir les ouvriers, accélérant la désindustrialisation française. Parce que face à l’échec de cette gauche néolibérale, héritière des années Hollande, la levée d’une gauche identitaire déconnectée des enjeux économiques, est une impasse.

Les élections législatives de juillet dernier peuvent être interprétées de deux manières. La première est de considérer qu’après les échecs de 2017 et 2022, la création du NFP et l’union des partis de gauche derrière un programme commun lui ont permis de devenir la première force politique représentée à l’Assemblée nationale. Ce serait une victoire à laquelle le Président aurait dû « se soumettre » en nommant un Premier ministre issu du NFP.

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Cette interprétation du résultat des dernières législatives est pourtant contestable. En effet, la victoire de la gauche doit beaucoup à la stratégie du front républicain qui a mécaniquement affaibli la représentation du Rassemblement national. Pour avoir une vision plus juste du poids réel des partis de gauche dans l’opinion, il faudrait plutôt regarder les scores du premier tour et les comparer avec ceux des élections précédentes.

Figure 1 : Évolution des rapports de force politiques au premier tour des élections législatives depuis 1993 en % des bulletins exprimés

La Figure 1 met en évidence deux phénomènes majeurs. Le premier est l’extraordinaire croissance de l’extrême droite depuis l’accession d’Emmanuel Macron au pouvoir. Alors qu’ils plafonnaient aux alentours de 12 à 15 % depuis 1993 – l’année 2007 faisant exception – les partis d’extrême droite ont plus que doublé leur score dans la période récente. Ils sont ainsi devenus la première force politique du pays, obtenant cinq points de plus que la gauche et deux points de plus que l’addition de la droite et des macronistes.

Le second phénomène frappant est l’effondrement électoral structurel de la gauche. En 1993, cette dernière avait subi une défaite historique alors que son score était bien meilleur que celui qu’elle obtient aujourd’hui. Certes, l’expansion du bloc central a mécaniquement affaibli son poids électoral. Mais la politique d’Emmanuel Macron s’est beaucoup déportée à droite depuis 2017. Pourtant, les partis de gauche en ont très peu profité puisque


[1]Sur les origines géographiques des phénomènes de polarisation industrielle lire : David Cayla « Crise de l’euro et divergences économiques : les conséquences du marché unique pour l’unité européenne », La Constitution matérielle de l’Europe, Pédone, 2019.

[2] Source : Main-d’œuvre dans l’industrie – données annuelles, Eurostat. Consulté le 30/10/2024.

[3] Lire à ce sujet l’excellent livre de Rawi Abdelal Capital Rules : The Construction of Global Finance, Harvard University Press, 2007, pages 10 et 11.

[4] « Le protectionnisme, « pire des réponses », dit Hollande au Chili », Reuters, 22/01/2017, un propos à nouveau martelé un mois plus tard à Belfort.

[5] Chantal Mouffe, Pour un populisme de gauche, Paris, Albin Michel, 2018.

David Cayla

Économiste, Vice-doyen de la faculté de droit d'économie et de gestion d'Angers

Mots-clés

Gauche

Notes

[1]Sur les origines géographiques des phénomènes de polarisation industrielle lire : David Cayla « Crise de l’euro et divergences économiques : les conséquences du marché unique pour l’unité européenne », La Constitution matérielle de l’Europe, Pédone, 2019.

[2] Source : Main-d’œuvre dans l’industrie – données annuelles, Eurostat. Consulté le 30/10/2024.

[3] Lire à ce sujet l’excellent livre de Rawi Abdelal Capital Rules : The Construction of Global Finance, Harvard University Press, 2007, pages 10 et 11.

[4] « Le protectionnisme, « pire des réponses », dit Hollande au Chili », Reuters, 22/01/2017, un propos à nouveau martelé un mois plus tard à Belfort.

[5] Chantal Mouffe, Pour un populisme de gauche, Paris, Albin Michel, 2018.